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Aux sources de la gloire de Marcel Pagnol


Père d’une galerie de personnages incarnant l’âme provençale, Marcel Pagnol est célébré pour sa Trilogie marseillaise et sa série de romans autobiographiques Souvenirs d’enfance.

L’œuvre fondatrice de cet écrivain, dramaturge, cinéaste, scénariste et producteur disparu il y a un demi-siècle fait rimer, avec l’accent, régionalisme et mélodrame.

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Sous le Garlaban


« Je suis né dans la ville d’Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers. » Dès l’incipit de La Gloire de mon père, Marcel Pagnol décrit son attachement à la montagne surplombant Aubagne et aux couleurs impressionnistes de sa Provence natale.

Né le 28 février 1895 au sein d’une famille modeste, il est l’aîné de trois enfants élevés par Joseph, un « hussard noir » de la République, et Augustine, une couturière à la santé fragile.

Admis au prestigieux lycée Thiers de Marseille, Marcel se lie d’amitié avec Albert Cohen, le futur auteur de Belle du Seigneur. En 1910, il est profondément marqué par la disparition de sa mère, emportée à trente-six ans par une pneumonie. En 1914, il cofonde Fortunio, une revue littéraire, artistique et dramatique (ancêtre des Cahiers du Sud) valorisant et faisant débattre de nombreux artistes.

Dans les pas d’Edmond Rostang


Licencié d’anglais, il enseigne à Aix-en-Provence avant d’être muté à Paris en 1922. Se voyant marcher dans les pas du dramaturge marseillais Edmond Rostand, Pagnol se lance dans l’écriture théâtrale. En 1926, à la suite d’une représentation à Bruxelles de la comédie belge Le Mariage de Mlle Beulemans, il prend conscience du potentiel de la littérature régionale et décide de dédier son œuvre à Marseille.

Il ne rencontre ses premiers succès qu’avec Jazz en 1927, année de sa démission de l’Éducation nationale, et surtout Topaze. Jouée à Paris en 1928, cette comédie – l’une des plus reprises du répertoire contemporain – raconte la métamorphose d’un maître d’école trop honnête en l’un des plus grands escrocs des Années folles.

L’année suivante, Marius triomphe au Théâtre de Paris. Le style pagnolesque, savant mélange de mélodrame et de couleur locale, fait mouche. La pièce est aussi portée par l’interprétation de Raimu dans le rôle de César et la vogue des artistes provençaux. Incarnation de la faconde marseillaise, Raimu devient non seulement un des acteurs fétiches de Pagnol mais aussi un proche.

Maître du théâtre filmé


En 1929, Pagnol sort transformé de la projection à Londres d’un des premiers longs métrages entièrement sonores : The Broadway Melody de l’Américain Harry Beaumont. Son objectif : devenir à son tour un pionnier du parlant et se partager entre théâtre et cinéma.

Les années 1930 le voient s’imposer comme un maître du théâtre filmé. Devant sa caméra défileront les plus grands : Louis Jouvet, Pierre Fresnay, Orane Demazis… Il fait ses gammes en adaptant plusieurs œuvres de Jean Giono, autre grand écrivain régionaliste : Jofroi (1931) ou encore Un de Baumugnes (1934) sous le titre Angèle. Ce film marque sa première rencontre avec Fernandel, qu’il retrouve en 1937 dans Regain puis dans Le Schpountz (1938), emblématique film à sketchs (« Le général », « Le condamné à mort », etc.).

La consécration vient avec la Trilogie marseillaise regroupant les pièces de théâtre tragique Marius, Fanny et César et leurs adaptations cinématographiques dont il supervise les deux premiers volets. Le dernier, César (1936), est réalisé par Pagnol lui-même avant d’être adapté dix ans plus tard au théâtre.

Pagnol et la musique


Il n’y a pas que l’accent qui chante chez Pagnol. La musique populaire aussi, notamment à travers les refrains de son ami Vincent Scotto enrichissant sa mythologie personnelle. Casimir Oberfeld, compositeur de chansons à succès pendant les Années folles, notamment pour Fernandel, signe quant à lui les musiques emblématiques du film Le Schpountz.

Obsédé par l’aspect sonore de ses films*, Pagnol engage aussi des symphonistes comme Arthur Honegger dont la Première symphonie est partiellement utilisée dans Regain. Dans La Belle Meunière (1948), son premier film en couleur, la musique devient même un élément narratif. Ne choisit-il pas Tino Rossi pour incarner Franz Schubert ?

Le Pagnol du Paradis perdu


Pagnol a beau devenir le premier homme de cinéma élu à l’Académie française le 20 septembre 1946, son esthétique est vue comme appartenant désormais à l’avant-guerre. À la sortie de Manon des sources en 1952, le public n’est donc plus au rendez-vous.

Alors que la télévision redonne vie à ses anciens films, l’artiste se tourne davantage vers la littérature. Il entame Souvenirs d’enfance, série de romans biographiques qui le placent au premier plan de l’actualité littéraire : La Gloire de mon père et Le Château de ma mère (1957), Le Temps des secrets (1960) puis Le Temps des amours paru à titre posthume en 1977. Autant de refuges dans un passé idéalisé mais non stéréotypé.

Souffrant d’un cancer, Pagnol meurt le 18 avril 1974, à Paris. Sur sa tombe, en guise d’épitaphe, une citation de Virgile en latin : « Il aimait les sources, ses amis, sa femme » (« Fontes amicos uxorem dilexit »). Son œuvre protéiforme résonne toujours comme un témoignage immortel de la vie et de la culture marseillaises.

*Voir l’article universitaire « Musique et cinématurgie chez Marcel Pagnol » de Jérôme Rossi et Sylvain Pfeffer.