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Stéphane Sirkis

Etoile filante du groupe Indochine


Pilier d’Indochine aux côtés de son frère Nicola, Stéphane Sirkis a marqué l’histoire du rock français en contribuant, à partir de 1985, aux compositions du groupe aux 15 millions d’albums vendus.

Disparu en 1999 à l’âge de 39 ans, le guitariste et claviériste de l’ombre ne pourra assister au retour en grâce d’Indochine, au début des années 2000.

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UNE JEUNESSE ENTRE PUNK ET POLITIQUE


Les « faux » jumeaux Stéphane et Nicola Sirchis (nom d’artiste : Sirkis) voient le jour le 22 juin 1959 à Antony (Seine), de l’union de deux personnes que tout semblait opposer. Juif ayant fui les pogroms en URSS, puis engagé dans la Résistance, leur père Jean est promis à un brillant avenir scientifique. Michèle Henry, leur mère, est quant à elle issue d’une famille vosgienne, catholique conservatrice. À Bruxelles, ceux qu’on appelle « les jumeaux » coulent des jours heureux jusqu’au divorce de leurs parents. Ils n’ont alors que treize ans.

De retour en région parisienne en 1974, Nicola et Stéphane empruntent des routes différentes pour mieux se retrouver par la suite. Alors que le premier connaît ses premiers émois littéraires grâce aux œuvres de Marguerite Duras et J. D. Salinger, Stéphane s’engage dans tous les combats militants au sein de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). En 1976, il fonde son premier groupe, Light, influencé par le rock progressif.

Mai 1978. Ce n’est pas le grand soir mais la révolution punk est là. Stéphane fait entrer Nicola à un concert des Londoniens The Clash à la « fête rouge », à Pantin (Seine-Saint-Denis). Un choc. Les deux frères seront au rendez-vous du tournant culturel des années 1980, notamment porté  par l’ébullition de la scène rock française.

PRÉCURSEUR DE LA NEW WAVE EN FRANCE


 

10 mai 1981, le jour de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, Nicola Sirkis (chant), Dimitri Bodianski (saxophone) et Dominique Nicolas (guitare) répètent pour la première fois à Paris. Indochine est né. Se cantonnant dans les premiers temps aux programmations musicales du groupe, Stéphane en devient guitariste et claviériste en 1982, année de parution d’un premier 45 tours : Dizzidence Politik – sur lequel on l’entend manipuler des boucles rythmiques sur magnétophone – annonçant l’album révélation L’Aventurier. ​​​​​​​

Surfant sur la vague new wave (The Cure, Depeche Mode), Indochine devient, avec Étienne Daho ou Gold, l’un des fers de lance du genre transposé en France. Le succès est fulgurant. Jusqu’à son départ en 1994, Dominique Nicolas, guitariste fondateur du groupe, s’impose comme compositeur principal, cosignant de nombreux standards (L’Aventurier, Troisième sexe, Trois nuits par semaine…).

Dans l’ombre d’un frère solaire, Stéphane Sirkis n’est cependant pas en reste. À partir de l’album 3 (1985), qui s’éloigne d’une imagerie pop pour aborder les thèmes de la sexualité et de la confusion des genres, le musicien compose une quinzaine de titres parmi lesquels Le Train sauvage en 1985, Un grand carnaval en 1987 ou encore Persane thème en 1990, année de naissance de sa fille unique Lou – qui lancera en 2007 son propre groupe de rock, Toybloïd.

SURVIVRE AUX ANNÉES 1990


Les années 1990 ne font pas de cadeau à Indochine. Dénigré par la presse spécialisée qui en fait un groupe du passé, tourné en dérision dans un sketch des Inconnus, Ie trio encaisse. Malgré l’érosion des ventes de disques, Indochine consolide sa relation avec un public de plus en plus intergénérationnel. Le groupe entretient le culte à travers ses concerts et son propre média, Indonews.

En 1994, les frères Sirkis se retrouvent seuls maîtres à bord. Ils engagent de nouveaux musiciens : Alexandre Azaria (guitare) et Jean-Pierre Pilot (claviériste). Stéphane Sirkis a le champ libre. Au point qu’il se retrouve crédité sur six titres de Wax, septième album studio marquant un renouveau Britpop. Compositeur de Mire-Live et Ce soir, le ciel, il cocompose notamment Les Silences de Juliette, une élégie saphique empruntant son prénom à Juliette Binoche, et Echo-Ruby, un poème amoureux reprenant un vers de Paul Éluard et s’inspirant de Ruby Tuesday, single de 1967 des Rolling Stones.

Cette réalisation est néanmoins contrariée par des problèmes d’addiction doublés de déceptions relationnelles et professionnelles devenues insurmontables. Quand le groupe entre en studio pour l’album suivant aux accents glam et gothiques, Dancetaria, Stéphane Sirkis est admis à l’hôpital. Le musicien aura néanmoins eu le temps d’enregistrer certaines de ses meilleures lignes de guitare rageuses sur Manifesto, Stef II, She Night (une chanson d’amour bientôt comprise par le public comme un hommage à Stéphane) et enfin Atomic Sky. « Oh le ciel / Regarde le ciel / Il est à toi / Il est pour toi » : rétrospectivement, les paroles de cette ultime chanson à laquelle a contribué Stéphane – considérée par Nicola comme « son meilleur morceau » – semble annoncer sa disparition.

Le 27 février 1999, Stéphane Sirkis s’éteint à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) des suites d’une hépatite C fulgurante liée à la consommation de diverses substances. Dancetaria sort en août. Il est considéré à l’époque par le groupe comme « le meilleur album d’Indo ».

Par Yohav Oremiatzki
​​​​​​​Crédits photo : Stéphane Sirkis (c) Pierre Terrasson/Dalle - Indochine (c) Frédéric Piau/Dalle