exposition
Et un courant musical devint un phénomène de société en France (1959-1966)
Sommaire
LE YÉYÉ, PLANCHE DE SALUT DU ROCK' N’ ROLL ?
UN RAZ DE MARÉE DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
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Le terme « yéyé » apparaît pour la première fois sous la plume du sociologue Edgar Morin, dans un article publié dans Le Monde suite à la grande manifestation qui réunit plus de 150 000 jeunes venus célébrer en musique le premier anniversaire du magazine Salut les copains, le 12 juin 1963 Place de la Nation.
Ce néologisme, construit sur le doublement de l’onomatopée anglo-saxonne « yeah » qui ponctue certaines chansons rock, se veut plutôt péjoratif. Les médias, et les adultes en général, soulignent la vacuité de cette « culture jeune ». Et comme nous sommes en France, c’est également une manière d’opposer ces « onomatopées » à la chanson de qualité, à texte, qu’elle soit Rive droite ou Rive gauche.
Mais c’est sans compter sur la puissance des artistes et de leur public. Ils reprennent à leur compte positivement le terme « yéyé ». Il est utilisé pour désigner largement tout un groupe d'artistes qui n’ont d’abord en commun que d’être jeunes, et de chanter des adaptations de classiques du rock anglo-saxon. Puis, rapidement, ce produit d’importation, passé au creuset des plumes d’auteurs et de compositeurs hexagonaux, va donner naissance musicalement à un yéyé purement français, prélude à la naissance de la variété française.
En termes d’engouement populaire, le yéyé demeure un âge d’or sans équivalent dans toute l’histoire de la chanson française. Et loin d’être un épiphénomène, la culture et les codes yéyé vont se diffuser dans toute la société, y compris chez les parents…
Cette exposition réalisée par Jean-Pierre Pasqualini va vous faire découvrir un septennat de mélodies rythmées (1959-1966). Nous vous invitons à lire la note de l'auteur.
En termes musicaux, le yéyé forme un passage entre le rock’n'roll des années 50 et la variété des années 70. Il est en quelque sorte une « planche de salut » pour les rockeurs du monde entier souvent jugés trop « violents » par les médias, et trop « vulgaires » par les parents, car le yéyé permet d'édulcorer leurs œuvres, qui sont alors diffusées largement. La France ne découvre le rock’n’ roll que bien après le milieu des années 50, soit des années après son lancement aux USA à la fin des années 40.
Les premiers rocks français, enregistrés dès 1956 par Henri Salvador sous le nom d'Henri Cording (jeu de mot sur la notion d’enregistrement en anglais, le recording), ne sont pas très sérieux, et ils sont beaucoup plus jazz que rock.
Les maisons de disque se trouvent face à un casse-tête pour développer le rock en France. Elles ont bien compris que les jeunes « baby-boomers » représentent un marché important, et qu’ils sont friands d’un style musical qui doit différer, voire s’opposer, à celui de leurs parents. Mais elles savent aussi que ce sont les parents qui donnent aux enfants leur argent de poche. Et les parents, comme le Pouvoir en place, les médias et les publicitaires, n’aiment pas le rock.
C’est en cherchant à concilier ces différends que les producteurs de disque vont donner naissance au yéyé. Puisque les adolescents veulent du rock, les œuvres seront (principalement, et au départ), des standards importés des Etats-Unis et d’Angleterre. Mais ils feront appel à des auteurs et orchestrateurs (arrangeurs) français, pour les adapter, de façon à les rendre plus acceptables pour les parents.
Les chanteurs et chanteuses seront des reflets idéalisés des enfants, comme eux jeunes, donc « proches de leurs préoccupations ». Mais si leur attitude est parfois rebelle, elle le sera dans des frontières strictes, dans le look, dans la dynamique sur scène, donnant aux enfants l’illusion qu'ils sont fondamentalement différents des « chanteurs à papa », mais rassurant les parents par leur soutien aux valeurs familiales et sociales (l’amour fleur bleue, le mariage, l’ordre établi en général).
Suivent en 1960 et 1961, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et ses Chaussettes Noires puis Dick Rivers et ses Chats Sauvages.
On pourrait aussi citer Danny Boy et Ses Pénitents, Dany Logan et ses Pirates, sans oublier le Britannique Vince Taylor, le plus subversif, qui malgré le soutien du grand producteur Eddie Barclay, fera couler plus d’encre qu’il ne remplira les caisses de sa maison de disque.
Retrouvez ici tous ses rockeurs dont certains se sont convertis au yéyé avec plus ou moins de succès.
Le yéyé est un excellent modèle pour comprendre le fonctionnement et les métiers de ce qui devient alors l’industrie musicale. Une équation qui paraît simple : des compositeurs et paroliers écrivent des chansons, qui, pour trouver leur public, ont besoin d’être diffusées. Entrent en scène les éditeurs de musique, et les producteurs, qui vont trouver des interprètes (chanteurs et chanteuses), financer les disques, trouver des partenaires pour organiser des concerts (« galas » à l’époque). Il faut y ajouter la puissance du média radio, celle de la télévision qui se popularise alors, ainsi que celle de la presse jeune qui naît avec Disco Revue puis Salut les Copains.
Le yéyé marque un tournant essentiel pour les maisons de disques et les artistes-interprètes : jusque-là, les carrières des chanteurs étaient uniquement construites pour et par la scène, les enregistrements sur disques étaient un revenu (très) secondaire.
Si les feux de la rampe restent essentiels, l’enregistrement
(disques
45 tours et 33 Tours puis K7) va prendre une place de plus en plus importante.
Les années 1960 marquent l’apogée du super-45 tours à quatre chansons, avec pochette couleurs cartonnée et glacée. En
revanche, le 33 tours 25 cm puis 30 cm, beaucoup plus cher, devra attendre la
fin des années 60 pour se développer en France, notamment quand il deviendra
« album » grâce à une pochette qui s’ouvre comme un livre.
Voici les meilleures ventes en 45 tours de la période.
Pour qu’il y ait un disque, ou un spectacle, encore faut-il que l’interprète ait des œuvres à chanter !
Ces œuvres, ce sont les compositeurs et paroliers qui les créent. Ils sont encore très fréquemment, à l’époque, distincts des chanteurs -même s’il y a déjà des auteurs et/ou compositeurs-interprètes, comme Charles Aznavour ou Georges Brassens.
Ainsi, paroliers et compositeurs, en général recrutés par un éditeur de musique, ou un éditeur-producteur, vont créer des chansons qui seront ensuite chantées par un ou de multiples interprètes – comme c’est fréquemment le cas à l’époque, une chanson va connaître des interprétations multiples parfois dès sa sortie ! Les paroliers et compositeurs touchent des droits d’auteur, collectés et distribués par la Sacem, sur toutes les utilisations de leur œuvre : sur les disques, les concerts, les passages radios ou télévision.
Au départ, le yéyé se nourrit surtout de chansons adaptées en français du répertoire américain, anglais ou italien. Très certainement, d’une part, parce que le public hexagonal n’a pas encore l’oreille faite (et prête) aux paroles en langues étrangères ; et d’autre part, parce que cela permet d’amortir le choc (pour les parents…) et d’accommoder aux préoccupations des jeunes français des textes culturellement lointains. Cela permet également aux filiales françaises de maisons de disques étrangères (RCA, Philips…) de ne pas se contenter de distribuer des disques de chanteurs anglo-saxons ou italiens mais aussi de développer des talents locaux qui vont pouvoir faire de la promotion.
Pour faire une adaptation, l’éditeur musical français doit d’abord obtenir l’accord des auteurs, compositeurs, via les éditeurs de l’œuvre originale. Il pourrait sinon être poursuivi pour non-respect du droit d’auteur, un comble…
Une fois qu’il a obtenu
l’accord, il devient sous-éditeur de l’œuvre sur un territoire donné et doit
tout faire pour qu’elle soit diffusée et vendue. Il va donc demander à son
réseau d’auteurs ou paroliers d’écrire des adaptations, puis les proposer à des
interprètes, déjà connus de préférence.
Si la composition originale est modifiée, il s’agit en général d’un « arrangement », qui conserve majoritairement la musique originale. Avec l’accord du compositeur original, l'arrangeur touche alors 2/12è des droits d’auteur dits d’exécution publique (concerts…) et 10% des droits de reproduction mécanique (disques, K7…) générés par l’œuvre ainsi modifiée. Ces derniers sont collectés par la Sacem, et renvoyés une à deux fois par an dans les sociétés d’auteurs des pays des compositeurs concernés.
Les paroles sont systématiquement adaptées en langue française. Adapter, ce n’est pas traduire ! Les paroliers doivent coller au rythme naturel du Français, mais aussi aux thèmes qui parlent à la jeunesse locale, tout en conservant au besoin un peu « d’exotisme » ou de « couleur culturelle étrangère ». Ce n’est pas simple, et les textes français adaptés n’ont souvent rien à voir avec les paroles originales.
En raison de la demande et du peu d’œuvres françaises enregistrées au début des années 60, certains paroliers français sont devenus des adaptateurs prolifiques : André Salvet, Georges Aber, Ralph Bernet, Pierre Saka, Vline Buggy, Maurice Tézé, Danyel Gérard, Jean Constantin, Pierre Delanoë, Gérard Bourgeois, Michel Jourdan, Jacques Plante, Jean Broussolle, Manou Roblin ...
> Découvrez la liste des adaptations à succès.
> Certains créateurs sont à retrouver ici.
Mais très vite, quelques auteurs et compositeurs français vont également produire des chansons yéyé 100% hexagonales, dont certaines vont même s’exporter via l’interprète original ou être reprises à l’étranger… adaptées en langues étrangères.
En 1964, le magazine américain Life consacre trois pages à « The French Yeah Yeah Girls », preuve de l’impact des trois principales idoles féminines du genre, dans l’ordre d’arrivée entre début 1961 et fin 1962 : Sylvie Vartan, Françoise Hardy et Sheila. Itinéraires de trois idoles très différentes, auxquelles il convient d’ajouter France Gall, qui va rejoindre le peloton de tête quelques mois plus tard.
Venus du rock’n roll, Richard Anthony et Johnny Hallyday vont rapidement mettre du sucre dans leur vin et devenir les principales idoles masculines en 1962. Cette année-là, Claude François fait également son apparition. Ce tiercé de tête variera peu. A noter cependant Frank Alamo, qui a donné quelques sueurs froides à Cloclo…
Des chanteuses, des chanteurs et même des groupes ont marqué le genre comme Les Surfs, voire Les Gam’s, mais aussi des formations qui vont rapidement évoluer vers le jazz, telles Les Parisiennes. En marge de ces groupes vocaux plutôt féminins, il y a des groupes de garçons plus instrumentaux venus du rock'n'roll comme Les Lionceaux, Les Champions ou Les Missiles.
Avant le yéyé, il y a eu le pré-yéyé, période durant laquelle le rock’n’roll s’est peu à peu « édulcoré ». Après le yéyé, il y a le post-yéyé, où ce style va être trempé dans différents bains : folk, pop, jazz, world, protest song, classique, rhythm and blues…
Chez les filles, on trouve la star de cinéma Brigitte Bardot qui se met au yéyé-jazz chic dès 1962. Chantal Goya, dont le complice est Jean-Jacques Debout, marchera moins auprès des adolescents et devra attendre une décennie pour triompher avec les enfants. Toujours dans le genre yéyé saupoudré de jazz, il y a Nicole Croisille, Alice Dona, l’Américaine Nancy Holloway, et aussi la Grecque Nana Mouskouri et l’Israélienne Rika Zaraï, également un peu world malgré elles… Marie Laforêt va tout de suite mettre de la folk, voire aussi de la world et de la protest song, dans son yéyé. Quant à la Britannique Petula Clark, elle va rapidement basculer dans la pop. On finira avec la première héritière de Piaf (avant Mireille Mathieu qui n’arrivera qu’en 1965), Michèle Torr, une des rares yéyé « vocales » (avec Alice Dona). Petit clin d’œil à Stella, l’anti-yéyé poil à gratter par excellence.
Chez les garçons, il y a évidemment Serge Gainsbourg qui doit ses premiers succès en tant qu'auteur aux idoles yéyé qui le chantent mais qui enregistre aussi pas mal des titres offerts à ses « muses », assaisonnant son yéyé avec de la musique classique et du jazz. Sacha Distel lui aussi vient du jazz et glissera peu à peu vers la variété. Venu de la Rive Gauche et non pas du rock’n’roll, Jean-Jacques Debout - admirateur de Charles Trenet - deviendra yéyé un peu par amitié pour Johnny. Quant à Monty, il est un des premiers à teinter son yéyé de rhythm and blues, alors que Lucky Blondo, le seul vrai crooner du genre, le caresse de son superbe grain de voix pour en faire de la « grande variété » à la Sinatra.
Même si les ventes de disques augmentent, apportant aux purs interprètes que sont encore la majorité des yéyé des revenus payés par leurs producteurs, (et aux auteurs, adaptateurs, compositeurs et arrangeurs, des droits d’auteur via la Sacem), les idoles doivent continuer pour leur revenu principal (les cachets, payés pour les concerts) d’enchaîner les tournées, partout en France. Mais on considère encore que seuls les music-halls parisiens apportent véritablement la consécration aux artistes et notamment le plus connu mondialement, car accueillant des artistes internationaux comme Ray Charles : l’Olympia.
Ceci dit, l’Olympia est loin d’être le seul music-hall parisien, il y en a encore dans de nombreux quartiers : rive gauche, au sud, avec Bobino, sur les grands boulevards avec l’ABC, à République avec l’Alhambra Maurice Chevalier (rien à voir avec l’Alhambra actuel), l’Etoile à… l’Etoile, l’Européen place Clichy, Pacra à la Bastille.
En marge des music-halls, il y a les théâtres spécialisés dans les revues comme le Casino de Paris (rival de salles comme le Lido ou le Moulin Rouge), mais aussi les nouvelles salles de spectacles comme le Palais des Sports de Paris. Rares sont les grandes salles de sports et/ou de spectacles en province, hormis le Palais d’Hiver de Lyon, l’Alcazar et la salle Vallier à Marseille…
Si les music-halls vont ouvrir grands leurs fauteuils rouges au public du yéyé (quitte à se les faire arracher…), les cabarets parisiens rive droite comme rive gauche (il n’y en a pas ou très peu en province) vont leur fermer leurs bancs de bois, préférant les poètes aux guitares non électrifiées. Ceci dit, le temple du rock et du yéyé n’est ni un music-hall ni un cabaret, mais un golfe miniature : le Golf Drouot. Mais c’est en province, loin de la presse parisienne, que les artistes yéyé sont les rois. Ils enchainent des tournées d’été et d’hiver qui ne désemplissent pas. Les premiers festivals de musique pour jeunes sont aussi créés à cette époque, d’abord destinés avant tout aux professionnels comme La Rose d’Or d’Antibes. Bien avant Woodstock aux USA ou l’Ile de Wight en Angleterre, le premier rassemblement de la jeunesse autour de la musique est La Nuit de la Nation à Paris.
Au départ considéré comme « sous culture jeune », le yéyé va rapidement toucher l’ensemble de la société française. Son arrivée correspond en effet d’abord au développement des médias audiovisuels (la démocratisation de la télévision, la radio qui sort des salles à manger grâce au transistor, la naissance de la presse musicale pour les jeunes…), qui ont besoin d’œuvres musicales et de « vedettes ». C’est aussi l’après-guerre, et bien que les médias se structurent par « générations » (contenus distincts pour les enfants, les adolescents, les adultes), les Français de tous âges, et pas seulement les « jeunes » vont peu à peu adopter ce courant frais, optimiste, moderne, si représentatif de cette « nouvelle société des loisirs » où tout évolue, de la mode à la décoration, en passant par l’architecture ou les habitudes alimentaires !
« Je twisterais les mots s’il fallait les twister » chante Jean Ferrat dans « Nuit et brouillard » en 1963. Ce vers en dit long sur l’ampleur du phénomène yéyé. Cette année-là, même les chanteurs qui n’ont rien de yéyé pensent tellement fort que cette mode va durer qu’ils y font référence dans leurs textes.
Georges Brassens se laisse aussi influencer par la génération « copains ». Si c’est en 1964/1965 qu’il enregistre « Les copains d’abord », ce n’est certainement pas un hasard. Mais Ferrat et Brassens ne sont pas les seules vedettes installées à se laisser influencer par le yéyé.
De Maurice Chevalier à Charles Trenet, de Tino
Rossi à Line Renaud, en passant par Charles Aznavour, beaucoup d’artistes et beaucoup de chansons soulignent que le yéyé s’est diffusé dans toute la société.
Il n’est pas si loin le temps des chanteurs des rues, qui interprétaient leurs chansons - accompagnés d’orgues de barbarie - et en vendaient les petits-formats (des partitions de musique sur deux ou trois pages ornées de la photo du ou des interprètes) au public. Cependant, dans les années 60, une chanson utilise ce qu’on n’appelle pas encore les médias pour se faire connaître.
La radio est bien sûr le premier support des chanteurs puisqu'il s'agit de médiatiser un son, mais son rôle est complété par celui de la télévision, qui permet de découvrir le visage d'une voix, et par la presse écrite, qui permet d'en savoir plus sur la vie professionnelle et privée des artistes qui ne parlent jamais longtemps en radio ou en télé. Les talk-shows ne sont pas encore à la mode. Les juke-boxes sont aussi, à cette époque, des vecteurs de la chanson et du disque.
L'omniprésente radio
On compte 10 millions de récepteurs radio contre 3 millions de téléviseurs en 1963. En 1962, plus de 85% des ménages possèdent un récepteur radio. Si le poste de radio à lampes trône encore souvent dans les salles à manger, le transistor à piles commence à se populariser.
Depuis les années 1950, ce sont surtout les radios privées – dites périphériques car leurs émetteurs sont situés hors du territoire national – qui diffusent les chansons populaires car elles attirent le grand public, cible privilégiée des publicitaires. Désormais, la radio cible les jeunes en leur dédiant leur programmation de fin d’après-midi (après la sortie de l’école, du collège ou du lycée…) et en consacrant les matinées aux femmes au foyer.
La presse pour les parents et les adolescents
C’est dans les années soixante que la
presse nationale magazine se développe et passe à la couleur. On voit aussi
apparaître la presse télé qui prend la suite de la presse
radio. Les artistes yéyé vont peu à peu
conquérir tous ces types de journaux.
En parallèle, la
jeunesse va même voir se créer une presse imprimée « sur mesure » :
citons Salut les Copains en tête de file de cette nouvelle presse
teenagers.
La télévision fait la part belle au yéyé
Si la télévision - inventée à la fin des années 30 - existe à Paris depuis la Libération, elle couvre presque l’ensemble de la France à la fin des années 50. Le monopole d’Etat est encore plus important qu’en radio puisque les chaines étrangères privées (Télé Luxembourg et Télé Monte Carlo) ont une très faible couverture.
C’est en 1963 que la RTF devient l’ORTF et lance une deuxième chaine en noir et blanc. La couleur n’arrivera qu’en octobre 1967, et mettra du temps à s’imposer car elle nécessite de changer de « poste ». En 1967, seuls 1500 téléviseurs couleurs seront en service alors qu’on compte 9 millions de récepteurs noir et blanc contre 2,3 millions en 1961. Et comme seulement un quart des Français bénéficie d’un téléviseur chez lui, nombreux sont ceux qui vont la regarder chez les voisins ou devant les vitrines des magasins.
Les années yéyé sont donc les années de la 1ère chaine noir et blanc, il suffit souvent d’un simple passage télévisé pour voir les ventes de disques exploser.
Le cinéma yéyé : long-métrages à court d’idées ?
Avec moins de succès que les idoles américaines, les artistes français feront tout de même du cinéma, souvent exporté à l’étranger (en Europe), et leur permettant de se faire connaître comme chanteurs.
Ceci dit, les films yéyé
français n’ont rien à envier aux films des Beatles ou d’Elvis Presley, qui ont
tout autant mal vieillis. Comme les fameux nanards des
années 50 ou 60, ils sont bien plus une photographie de l’époque que des films
intemporels.
Très influencé par Elvis Presley, lui-même inspiré par James Dean ou Marlon Brando, Johnny Hallyday aimera jouer les rebelles au cinéma. Sheila, Sylvie, Françoise, Petula et les Surfs tourneront plus ou moins, et plus ou moins de vrais scénarios (scénari). Cependant, la plupart des idoles (France Gall, Claude François, Richard Anthony…) ne se frotteront pas au cinéma. Eddy Mitchell y touchera à peine, pour mieux y revenir.
La publicité
Les Français ne parlent pas encore de « publicité » mais de « réclame » qui se limite à de l’affichage, des publications dans la presse, des messages radio lus par des speakers et non pré-enregistrés. Quant aux films publicitaires, ils sont uniquement destinés aux salles de cinéma. La publicité en télévision ne sera autorisée qu’à partir du 1er octobre 1968.
Si on voit Gilbert Bécaud faire de la réclame pour la Vespa
Piaggio en France, Annie Cordy pour les matelas Beka en Belgique, Dalida pour les matelas Permaflex en Italie, dans la presse généraliste et sur les écrans cinéma de ces pays, les jeunes chanteurs du yéyé figurent principalement dans la presse adolescente, afin de toucher ce marché. Les idoles yéyé – peu conscientes encore de leur impact - se contentent souvent de cadeaux de l‘annonceur pour une séance photo où elles présentent le produit.
Comme le cinéma, la
publicité ne va pas séduire Claude François qui s’y mettra sur le tard. En revanche, la plupart des
idoles joueront le jeu : Sylvie, Sheila, Françoise, et même France Gall, chez les filles. Johnny, Eddy, Dick, Frank Alamo, Danyel Gérard chez
les garçons… Evidemment, ce sont surtout des
vêtements – et des produits destinés aux adolescents (cosmétiques, montres,
stylos…) dont les idoles font la « réclame ».
Les créateurs et interprètes yéyé, sur de nombreux plans, ont fait partie de ceux qui ont fait passer la musique de l’artisanat à l’industrie, de l’art au (show) business. Et, contrairement à ce qui avait été prédit à l'époque, le yéyé est non seulement passé à la postérité, mais il a laissé un important héritage, inspirant les générations qui ont suivi, jusqu'à aujourd'hui...
Crédit photo haut de page : Jean-Marie
Périer/Photo12
Toutes les idoles des années 60 réunies par Jean-Marie Périer. De haut en bas et de gauche à droite : Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Jean-Jacques Debout, Hugues Aufray, Catherine Ribeiro, Eddy Mitchell, Danyel Gérard, Claude Ciari, France Gall, Serge Gainsbourg, Frankie Jordan, Michèle Torr, Sheila, Chantal Goya, Dany Logan, Michel Paje, Ronnie Bird, Monty, Sophie, Noël Deschamps, Jacky Moulière, Annie Philippe, Claude François, Eileen, Guy Mardel, Billy Bridge, Michel Berger, Michel Laurent, Nicole (Surf), Salvatore Adamo, Thierry Vincent, Tiny Yong, Antoine, Françoise Hardy, Benjamin, Dick Rivers, Monique (Surf), Hervé Vilard, Jocelyne, Dave (Surf), Rocky (Surf), Coco (Surf), Pat (Surf), Pascal (Le Petit Prince), Richard Anthony, Christophe.
L'auteur