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Boby Lapointe


Auteur, compositeur et interprète, mais aussi comédien et… mathématicien, Boby Lapointe aurait fêté ses 100 printemps le 16 avril 2022. Vénéré aujourd'hui pour ses chansons au verbe truculent, aux textes à tiroirs et à multiples recoins, son époque fut moins sensible à son talent inclassable. Chanteur ? Conteur ? Chansonnier ? Boby Lapointe fut les trois à la fois, comète comique dont la carrière ne dura que douze années. Mais quelles années ! Il se produit dans les cabarets les plus courus de la capitale, ouvre pour des vedettes du music-hall et de la variété dans des salles prestigieuses, devient l’ami fidèle de plusieurs étoiles de la chanson... mais reste lui-même sur le marchepied de la gloire.

Ses amis Georges Brassens, Serge Gainsbourg, Joe Dassin ou Pierre Perret le couvrent de louanges, eux qui savent combien il est difficile de conjuguer une telle gymnastique des mots à la musique. La critique reconnait vite son originalité. Son naturel, son aisance et son physique lui ont aussi permis de se faire une petite place au cinéma, en autodidacte, alignant une série de drôles de rôles souvent mineurs dans des films parfois majeurs.

Dans ces années 60 où l’auteur compositeur interprète prend le pas sur le chanteur pour assumer sa vaste palette de sentiments, ce grand sensible utilise l’humour de façon inédite pour charmer mais aussi pour se protéger à la manière d’un écran de pudeur. De Pézenas en passant par Paris, parcours d’un artiste à part et parti trop vite.

Crédit photo © S. Wiezniak/Universal Music France/GAMMA RAPHO

ENFANCE HEUREUSE DANS L’HÉRAULT


Né le 16 avril 1922 à Pézenas, Robert, Jean-François, Joseph, Pascal Lapointe grandit dans la petite commune de l’Hérault. Il passe sa jeunesse auprès de ses parents, au 22 cours Molière, dans une famille mélomane et cultivée, propice à lui ouvrir tous les horizons. Pézenas devient le terrain de jeu de Boby et de sa bande de copains.

 
Photo d'identité (c) Archives Sacem
Photo d'identité (c) Archives Sacem

À l’école, il montre très vite d’excellentes dispositions pour les mathématiques. Attiré par la musique, il prend en parallèle des cours de solfège et commence l’apprentissage du violon. Durant les années 30, la radio fait son apparition et lui procure ses premières amours en chansons : Charles Trenet, Mireille, ou encore le duo Pills et Tabet. D’une convalescence de quelques mois suite à un accident, il sort avec un goût nouveau pour les jeux de mots et les calembours.

Son baccalauréat « Math élem’ » en poche, il entre dans un lycée de Montpellier pour préparer deux concours d’entrée, à l’Ecole centrale et à Sup Aéro, où il est admis.

Mais en 1942, la seconde guerre mondiale le contraint à abandonner ses études, d’autant qu’il est envoyé l’année suivante au STO (Service du travail obligatoire) à Linz, en Autriche. Par deux fois, il s’en échappe et rejoint sa région natale en mai 1944, après sept mois caché sous de fausses identités, dont celle, fameuse, de Robert Foulcan. Il trouve refuge à la Ciotat où il devient un temps scaphandrier.

La Libération marque la possibilité d’une nouvelle vie, d’autant qu’en août 1946, il fait la connaissance de Colette Maclaud, qu’il épouse en décembre de la même année. Les premiers temps de leur union, les deux s’installent à Pézenas et donnent naissance à deux enfants, Ticha et Jacky.

DANS LE PARIS DES CABARETS


Boby nourrit une véritable passion pour les mots, qu’il transforme en poèmes, sketches ou textes à priori pas destinés à être chantés. Quand la famille Lapointe monte à Paris, l’ambition est de tenter d’y faire carrière. La vue des Frères-Jacques lui donne l'idée de mettre ses mots en musique. Il leur propose même ses chansons mais ces derniers ne donnent pas suite. Il garde l’idée de les faire chanter à d’autres.

En 1951, il fait paraitre à compte d’auteur le recueil intitulé « Les douze chants d’un imbécile heureux » sous le pseudonyme B. Bumbo.
Il comprend des textes dont certains finiront en chansons, comme Sentimental bourreau, Insomnie, Revanche, Le poisson Fa et Étranges propos d’un réveil chromé, bientôt transformée en Ta Katie t’a quitté. Colette et lui prennent des cours de chant et de théâtre, et expérimentent ses textes dans des cabarets de Montmartre.

Après avoir tenu un commerce qui se solde par un échec, Boby Lapointe doit multiplier les petits boulots : électricien, livreur, barman, commercial, et même… installateur d’antennes de télévision durant l’année 1954. Il se lie alors d’amitié avec Étienne Lorin, accordéoniste et compositeur pour Bourvil, qui retient la chanson Aragon et Castille afin que ce dernier l’interprète dans le film Poisson d’avril de Gilles Grangier. Bien qu’un échec au cinéma, cette expérience permet à Lapointe de pénétrer le cercle parisien de la culture. En vue de les proposer à des chanteuses, il enregistre huit chansons à la guitare sur son magnétophone.

Changeant enfin d’avis, c’est sur la scène du Cheval d’Or, célèbre cabaret parisien de la rive gauche, qu’il se lance. À partir de décembre 1959, il y joue quatre de ses chansons, et s’y fait remarquer par son physique imposant, son chant atypique et ses textes amusants.
Il y fait la connaissance de Georges Brassens, Anne Sylvestre, Raymond Devos et François Truffaut. En pleine préparation de son film Tirez sur le pianiste, le réalisateur l’engage pour le rôle du chanteur du bar dont Charles Aznavour est le pianiste. Lapointe y interprète les chansons Framboise et Marcelle, mais son élocution et ses textes alambiqués obligent Truffaut à sous-titrer ses apparitions.

PREMIER CONTRAT, PREMIERS SUCCÈS


Le tournage de Tirez sur le pianiste est l’occasion d’une rencontre qui amorce sa carrière professionnelle : Philippe Weil, directeur artistique des disques Fontana, poste où il a succédé à Boris Vian.
Invité par Lapointe à le voir se produire au Cheval d’Or, il est emballé par son univers. Le courant passe si bien que les deux deviennent très proches. Il décide de l’engager et un contrat avec Fontana est signé le 27 janvier 1960. Durant les deux mois qui suivent, Weil le fait jouer Aux Trois Baudets, célèbre cabaret dans lequel Lapointe reçoit un bon accueil, tant public que médiatique.

Dans la foulée, Weil le fait enregistrer avec Alain Goraguer comme arrangeur, complice parfait pour mettre en lumière le foisonnement de ses textes. Le 45 tours Framboise / Aragon et Castille et sa version cinq titres avec Marcelle, Insomnie et Le poisson Fa, paraissent en fin d’année.

Pour Lapointe, cette période s’accompagne de son début de percée sur les ondes. Jean-Christophe Averty l’invite dans son émission télévisée Les Raisins verts, tandis que Charles Aznavour le convie à sa série de représentations au théâtre de l’Alhambra.
Il écume alors les cabarets et part en tournée avec celui qui devient un ami et un soutien fidèle : Georges Brassens. Celui-là même qui l’aidera financièrement à se relever de la faillite du café-concert le Cadran bleu qu’il ouvre rue de la Huchette en 1962.

UNE CARRIÈRE ÉCLAIR GUIDÉE PAR LES RENCONTRES


Surfant sur le succès en salles de Tirez sur le pianiste, Boby Lapointe sort en 1961 l’EP Le chanteur sous-titré, clin d’œil au surnom que le film lui a valu. Il contient les chansons Embrouille Minet, Troubadour ou la crue du Tage, Petit homme qui vit d’espoir, La fleur bleue contondante et Bobo Léon.

Du 20 septembre au 9 octobre 1961, il se produit pour la première fois à l’Olympia, en première partie de Johnny Hallyday, et retourne ensuite faire la tournée des cabarets parisiens.

Le 15 décembre 1962 parait un 45 tours qui fait date, avec les inoubliables L’Hélicon et Eh ! Toto.

Les années 60 défilent selon le même rythme : tournées en France, Suisse et Belgique avec Brassens, qu’il précède aussi sur la scène de Bobino d’octobre 64 à janvier 65. On l’applaudit aussi en première partie de Jean Ferrat à l’Alhambra dans un spectacle signé Jean-Christophe Averty. Et toujours, les cabarets : La Méthode, le Port du Salut, le Don Camillo, L’Échelle de Jacob, le Crazy Horse, le Diable à 4…

En 1965, Lucien Morisse, directeur d’Europe 1 et grand fan, l’engage en vedette anglaise des Rolling Stones pour les spectacles Musicorama organisés par sa station à l’Olympia.
Quant à ses blagues, il les pratique aussi au quotidien, comme quand il enregistre une chanson en 33 tours et grave sur disque au format 45. Sacré farceur, Boby !

Mais les temps ne sont pas favorables au chanteur quadragénaire. Il se blesse gravement dans un accident de voiture qui l’immobilise pendant quelques mois et lui laissera des séquelles toute sa vie. Son ami Pierre Perret lui vient en aide en organisant un gala de soutien à l’Olympia pour lequel il réunit des artistes.
De plus, son style musical ne colle plus à l’époque, qui fait la fête à la nouvelle génération yéyé. Fin 1965, Philips, maison-mère de son label Fontana, lui rend son contrat, estimant l’artiste plus assez rentable.

L’AUTRE FOU CHANTANT DES ANNÉES 60


En 1966, une nouvelle ère démarre, grâce à un contrat signé sur Disc’AZ, le label créé par Lucien Morisse. Lapointe y publie coup sur coup deux EP et décroche un premier grand succès avec Le saucisson de cheval,  une chanson qui profite d’une cure de rajeunissement grâce à l’approche pop des musiques composées par l’arrangeur Michel Colombier. Sur un troisième EP paru en juin 1967, il duettise avec la chanteuse Janine de Waleyne sur deux des quatre titres.

 

Au Port du Salut, il fait la connaissance de Joe Dassin, alors en pleine ascension des hit-parades. Les deux sympathisent et le jeune premier embarque Boby en tournée. Par amitié, ce dernier le présente à Brassens autour d’une bonne table. Dassin lui sera éternellement reconnaissant de cette rencontre loin des artifices et des faux-semblants du show-business. En guise de remerciement, il produit les titres enregistrés par Lapointe en vue de son nouveau contrat décroché avec les disques Philips. Le nom de Dassin apparait le plus discrètement du monde dans les notes de cet album, « Comprend qui peut (ou comprend qui veut) », qui parait durant l’été 1970, et contient les inoubliables « La Maman Des Poissons » et Madam' Mado M'a Dit ». Quant à sa pochette, le portrait par le peintre naïf Maurice Ghiglion-Green d’un Boby allongé dans l’herbe au milieu des pâquerettes, souriant dans sa marinière rayée, deviendra sa représentation la plus célèbre. Les textes reproduits à l’intérieur sont par ailleurs illustrés de dessins de Georges Wolinski.

Ce même été, il donne la réplique à Anne Sylvestre sur sa chanson Depuis l’temps que j’l’attends mon prince charmant, qui devient un grand succès, et vaut à Boby que Fontana publie une compilation de ses premiers morceaux.

FIN PREMATURÉE ET RECONNAISSANCE POSTHUME


Le passage des années 60 à 70 ne voit pas Boby Lapointe lever le pied sur ses spectacles. Après s’être produit à la Fête de l’Humanité en 1970, il partage l’affiche avec Michel Delpech à l’Olympia en décembre, puis part en tournée au printemps suivant avec Georges Moustaki. Malgré le cancer du pancréas qui le ronge peu à peu, il tient à monter sur scène et se produit pour une dernière série d’apparitions, de décembre 1971 à début janvier 1972, à Bobino, en première partie de Pierre Perret, resté à la fois son ami et son admirateur. Épuisé, il est régulièrement contraint de se reposer sur un lit de camp installé en coulisses.

De plus en plus affaibli, il rentre dans sa ville de Pézenas pour les six derniers mois de sa vie où il passe du temps à écrire, en particulier un essai visionnaire et inquiet sur l’écologie et l’état de la planète. Il s’éteint le 29 juin 1972, et est inhumé dans le caveau familial du cimetière de Pézenas, où le rejoindront ses parents.

Contrairement à nombre de vedettes qu’il côtoya, Boby Lapointe ne fut vraiment reconnu qu’après sa disparition.
D’un amour commun pour les bons mots et la franche rigolade, d’une galère vécue ensemble naît cette amitié avec Pierre Perret qui résistera à leurs destins opposés. En 1963, la carrière de ce dernier décollait avec le titre Le Tord-boyaux, écoulé à 100.000 exemplaires, tandis que Boby, pourtant parti plus tôt, restait à quai, ce qui ne nuira en rien à leur relation.
De même, Joe Dassin insistera après des disques Phillips afin que sorte la première intégrale Lapointe en 1976. Son œuvre n’aura de cesse d’être honorée bien que peu d’interprètes, à l’exception de Ginette Garçin et Fernand Reynaud s’y soient risqués.
En 2002, la jeune génération de la chanson lui a témoigné son affection le temps de la compilation Boby Tutti-Frutti - L'hommage délicieux à Boby Lapointe, avec Jacques Higelin et sa fille Izïa, Alain Souchon, Elli Medeiros, Caroline Loeb, Jacno et Gérard Blanchard, entre autres repreneurs de son héritage toujours vivace.

J'ai un penchant naturel pour les mots et leur côté farce. J'en ai acquis une certaine technique et ne sait m'empêcher de mettre cette farce à toutes les sauces.
Boby Lapointe

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LES FEMMES DE SA VIE

Mariés à l’âge de 24 ans, Colette Maclaud et Boby Lapointe divorcent officiellement en 1956.
Le 26 août 1960, il se remarie à Saint-Tropez avec Simone Triadou, dite Manouchka, native de Pézenas et auteure de chansons pour Juliette Gréco, Marcel Amont, Colette Deréal, Jean-Claude Pascal, Hervé Vilard…. Mais ils divorcent moins de deux ans plus tard, en juillet 62.
En 1964, il tombe amoureux de Bernadette Marques, dite Bichon, qu’il épouse deux ans plus tard. Oui mais voilà, il divorce en 1970.
Boby finira ses jours auprès de sa dernière compagne prénommée Léonne, qui l’accompagnera dans sa maladie.
Quant à Léna, Katie, Andrea, Mado, Marcelle, Lydie… amantes ou amies, elles resteront à jamais associées aux chansons de l’homme qui aimait passionnément les femmes.

AU CŒUR DE LA SOCIÉTÉ DU SPECTACLE

Bien qu’issu de la génération d’avant l’explosion de la variété française, Lapointe profite de l’outil télévisuel. En pénétrant les foyers français à partir des années 60, ce média se fait un extraordinaire outil de promotion de la chanson à travers de nouvelles émissions de divertissement.

Son personnage amusant et décalé en fait un invité de choix pour une télévision qui s’invente, dans une époque légère qui accorde de la place à des mises en scènes parfois ludiques.
Dès 1961, Boby inscrit son nom dans des programmes de plus en plus courus, et participe, de 1965 à 1970, à une dizaine d’émissions par an dont Discorama, Music-hall de France ou Musicorama.
Quant à la radio, elle l’accueille aussi à bras ouverts dans des émissions musicales très populaires telles que le Pop Club de José Artur, et dans des shows où son caractère loufoque fait merveille, à l’image de L’émission des fous où il débarque en charentaises et en treillis.

UNE ÉCRITURE… UNIQUE !

« C'est un langage qu'il a inventé, une façon de faire chanter, de faire danser les mots, qui est tout à fait personnelle et que personne ne pourra imiter » s’était enflammé Brassens à son sujet.

De jeux de mots en calembour, le style Lapointe déclenche souvent le rire. Sur la soixantaine de chansons que compte son œuvre, très peu sont celles écrites sur un ton sérieux. Sans leur habituel voile de protection, ses émotions y apparaissent au grand jour, ce qui met ce grand pudique mal à l’aise. « Dans mon pays, y'a d'la douceur / On peut montrer tout nu son cœur » avoue-t-il au détour de l’une d’entre elles (Dans mon pays).

Dans la majorité de son répertoire, le rire permet à l’inverse de noyer la pression induite par le récit dans un grand éclat de rire. Répétitions, allitérations, calembours, onomatopées, contrepèteries, mots tordus de leur orthographe, dérision… Pour Boby, tout est bon à prendre comme le montre ce passage de Ta Katie t’a quitté, où des consonnes mûrement choisies agissent comme autant de percussions :

Tic-tac tic-tac
Ta Katie t’a quitté
Tic-tac tic-tac
Ta Katie t’a quitté
Tic-tac tic-tac

T’es cocu, qu’attends-tu ?
Cuite-toi, t’es cocu
T’as qu’à, t’as qu’à t’cuiter
Et quitter ton quartier

Ta Katie t’a quitté
Ta tactique était toc x2
Ta Katie t’a quitté

Ote ta toque et troque
Ton tricot tout crotté
Et ta croûte au couteau
Qu’on t’a tant attaqué
Contre un tacot coté
Quatre écus tout comptés
Et quitte ton quartier
Ta Katie t’a quitté

Sur un thème grave – il s’adresse à un homme qui vient de se faire quitter par son amoureuse – Boby Lapointe déclenche le rire tant par sa performance vocale que par le comique des situations du récit. Derrière la légèreté apparente pointent en creux le doute et la peur propres à chacun de la perte de l’être aimé.

Quant à ce que Lapointe nomme lui-même « lape près » (à comprendre comme l’à peu-près), c’est comme son nom l’indique sa façon de jouer sur les mots selon ses libertés plutôt larges, le titre de Andrea c’est toi devant par exemple s’entendre « Entre et assieds-toi », selon la science de Lapointe. Scientifique sans pour autant être un littéraire contrarié, ce poète se joue des mots comme s’il résolvait des équations.

LE SYSTÈME BIBI-BINAIRE, BI-BIZARRERIE SIGNÉE LAPOINTE

« Les gens qui rangent les vitamines par ordre alphabétique avant de les avaler, ça finit par leur donner des calculs » s’était-il plu à dire dans un énième bon mot.

L’amour des chiffres n’a jamais quitté Lapointe, même durant sa carrière artistique. Mathématicien doué, il se passionne dès les années 60 pour l’informatique naissante. Tandis que des langages informatiques sont créés par de nouveaux spécialistes de la discipline, il met au point en 1968 le système bibi-binaire, un système de numération en base 16 permettant de convertir des nombres en lettres. Mais au lieu de recourir aux chiffres et lettres habituels, le savant fou invente des symboles spéciaux.

Sa trouvaille est saluée par les plus grands scientifiques comme le professeur André Lichnérowicz, titulaire d'une chaire de mathématiques au Collège de France, qui tient à rencontrer Lapointe pour le féliciter de son invention. Même accueil de certaines publications spécialisées, comme le magazine Science et Vie, qui lui consacre un article (« Une phonétique du langage machine ») en juin 1969. À défaut d’avoir été adopté, le système bibi-binaire aura un temps injecté un peu de poésie dans l’informatique, ce qui n’est pas si fréquent, reconnaissons-le.

LE CINÉMA, UNE SECONDE FAMILLE

Tandis que la chanson peinait à lui rendre la reconnaissance méritée, le cinéma lui tend les bras, lui le comédien-né.

Après sa première expérience dans Tirez sur le pianiste, Lapointe attend la fin des années 60 pour revenir à l’écran. Cette fois, il n’est plus question de rôle de composition mais de se fondre dans des personnages selon des axes comiques ou dramatiques, suivant le même principe autodidacte que pour l’écriture de ses chansons : à l’instinct. Ainsi tient-il des rôles secondaires dans la comédie Qu'est-ce qui fait courir les crocodiles ? de Jacques Poitrenaud, et le drame policier L’ardoise de Claude Bernard-Aubert.

Il se distingue dans deux films bien plus populaires signés Claude Sautet, Les Choses de la vie, puis Max et les ferrailleurs. Après avoir tourné dans le prestigieux studio romain de Cinecitta, il tient le rôle-titre de Chapagua, western-spaghetti de Renato Savino. Il enchaîne ensuite trois tournages de ce qui restera ses derniers films : Les assassins de l’ordre de Marcel Carné, La veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre et Rendez-vous à Bray d’André Delvaux.

L'auteur

Pascal Bertin

Journaliste spécialisé musique, Pascal Bertin a travaillé au magazine Les Inrockuptibles. Freelance depuis 2010, il collabore au mensuel Tsugi et au cahier musique de Libération, a réalisé de nombreuses interviews pour les sites Noisey et i-D de Vice France ainsi que des chroniques sur France Inter et le Mouv’. Il est co-auteur du Dictionnaire du Rock, auteur du documentaire La Story d’Eminem (CStar), conseiller sur le documentaire Daft Punk Unchained, (Canal+) et co-auteur d’épisodes de la série d’animation Tout est vrai (ou presque) pour Arte.

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