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Hommage
Michel Hausser, la vibration intime du Haut-Rhin

Pionnier aussi discret qu’incontournable de l’âge d’or du jazz, Michel Hausser a traversé plus de sept décennies de bebop, de manouche ou de swing avec son vibraphone et son accordéon. Ses trémolos ont accompagné certaines des plus grandes icônes internationales du genre, une carrière gyroscopique sur un axe invariable : l’Alsace.

Né à Colmar, élevé à Munster, musicien professionnel à Strasbourg, récompensé à Saverne, Michel Hausser, comme la cigogne, les colombages ou le bretzel, est un emblème alsacien précédé par sa renommée.

Son père l’initie au piano. Passé du piano à l’accordéon, il deviendra professeur, à 20 ans à peine, en 1947. Puis il découvre le vibraphone, quand, à 25 ans, il quitte sa région natale pour aller battre la mesure dans la capitale. Saint-Germain-des-Prés, la Mecque. C’est là qu’il côtoie les prophètes. Il y accompagne notamment les complices Stéphane Grappelli et Django Reinhardt, maitres ès cordes, répond au prince des touches noires et blanches, Oscar Peterson, ou tourbillonne au souffle de la trompette de Quincy Jones. Même Sarah “Sassy” Vaughan, dont on disait qu’elle conférait une “splendeur opératique” au jazz, l’invitera derrière sa voix.

En 1954, il croise la route de son idole, Milt Jackson, qu’il considère comme le plus grand vibraphoniste américain. Et en 1958, les critiques le considèrent lui, Michel, comme le plus grand vibraphoniste européen. Deux virtuoses se contemplent désormais par-dessus l’Atlantique.

C’est peut-être cette reconnaissance qui lui fera lancer son propre club de jazz, Le Chat Qui Pêche, gagnant vite ses habitués. Nul doute en revanche que le morceau trépidant Le Blues pour le Chat, qu’il signe, donne à entendre le groove irrésistible qui y régnait.

Il est donc un témoin privilégié - et un acteur émérite - de cette bulle aussi fabuleuse que légendaire du jazz dans le Paris des années 50-60. Effervescences, rencontres et talents insolents, tous réunis sans connaître lassitude ni fatigue lors de jam sessions qui s’étirent jusqu’aux petits matins qui boppent. Alors, à l’image de son instrument, Michel Hausser vibre parfaitement.

Toujours “bien mis”, on le voit le plus souvent en complet, coiffure impeccable, à demi penché sur son vibraphone. Sous sa moustache, une langue qui s’échappe par un coin de la bouche ou un sourcil qui bondit, comme étonné par les notes, trahissent le masque de sobriété du professionnel. Il s’amuse.

Néanmoins, il a deux amours. Le jazz et l’Alsace. Si bien qu’en 1969, à 42 ans et au sommet de son art, il décide de quitter Paris pour s’en retourner créer deux Académies d’accordéon Michel Hausser à Colmar et à Munster. Là-bas, il monte encore un trio et un septet, pour continuer les tournées.

En 1988, il organise le premier Jazz Festival de Munster, qu’il dirige pendant 20 ans. En 2007, il est honoré d’un Bretzel d’Or à Saverne pour sa contribution au rayonnement de l’Alsace. Il ne quittera jamais vraiment la scène, retrouvant même un Quincy Jones devenu immense, lors de l’édition 2014 de Jazz à Vienne.
Il est nommé officier de la légion d’honneur en 2012, puis chevalier de l’ordre national du Mérite en 2015. Michel Hausser est mort chez lui, en Alsace, le 25 janvier 2024, à l’âge de 96 ans. Il laisse derrière lui plus de deux cents œuvres.

Il était une de ces étoiles discrètes et lumineuses, qu’on voit de temps en temps, mais dont le scintillement est éternellement vif. Comme le dit d’ailleurs un proverbe alsacien : “ce n’est que quand l’arbre est tombé, qu’on peut voir sa hauteur”.

Michel Hausser a adhéré à la Sacem en qualité de compositeur en 1955, en tant qu’auteur en 1982, et fut promu Sociétaire définitif dans la catégorie compositeur en 1986.

« Une longue existence, une longue résistance à la platitude, aux concerts plan-plan, aux ambitions d’ascenseur, Michel Hausser, discrètement mais résolument, nous a montré qu’en musique et, en particulier, en jazz, un pro et impro étaient deux paradoxes synonymes. Son parcours me fait penser à cette superbe phrase de Jean Jaurès : Il a réuni l’art et la vie dans sa passion de la vérité. » Claude Lemesle, auteur, Président d’honneur de la Sacem.

EN SAVOIR PLUS :
Bulletin de déclaration "Blues pour le chat"
Bulletin de déclaration "Rue Dauphine"