Musée SACEM : exposition Musiques électroniques

Genres musicaux

Musiques électroniques

Des laboratoires aux dancefloors

Depuis 2010, la musique électro, et la culture DJ qui l’accompagne, figurent parmi les phénomènes les plus populaires auprès de la jeunesse. Présente en Occident depuis la fin des années 1980, elle s’est implantée au cours des années 2000 en Asie, en Amérique du sud et en Afrique et a récemment conquis le grand public américain, lui assurant un immense rayonnement culturel et un profond impact sur le marché de la musique et l’économie du spectacle.

La musique électronique, qui fait aujourd’hui danser plusieurs générations, de Paris à Los Angeles, des métropoles de Tokyo, Londres, Berlin ou New York, aux quartiers populaires de Mexico, Baltimore, Durban ou Luanda, possède une longue histoire, souvent méconnue du grand public, que nous vous présentons ici sous la forme de six chapitres et podcasts audio.

Loin des pistes de danse, elle est d’abord développée au sein de studios de recherche après-guerre et pénètre la culture populaire à partir de 1968 à travers le cinéma, le rock, le psychédélisme puis la musique planante. Elle connaît une première démocratisation auprès des jeunes musiciens pop et rock dans les années 1980 avant de conquérir les dancefloors des clubs et des rave parties au cours de la décennie suivante et de triompher, in fine, dans les années 2010.

Par Jean-Yves Leloup.
Crédit photo : Maxoidos

Découvrez Electrorigines, les podcasts des pionners de l'électro.
Jean-Yves Leloup a rencontré François Bayle, Philippe Laurent, Christophe Monier et Zanov.

Les origines savantes de la musique électronique (1948-1968)

Au cours de l’après-guerre, la musique électronique est d’abord une pratique d’avant-garde, qui s’expérimente au sein de studios de recherche institutionnels, comme le Elektronische Musik Studio de la radio WDR à Cologne (avec un compositeur comme Karlheinz Stockhausen), le Natlab de Philips à Eindhoven (Dick Raaijmakers), le studio de l’Université Columbia à New York (Milton Babbitt) ou, dans le domaine de la musique électro-acoustique, le Groupe de Recherches Musicale à Paris (avec Pierre Henry, Bernard Parmegiani ou François Bayle).

LE GROUPE DE RECHERCHES MUSICALES

L’histoire des centres de recherches qui, entre 1948 et 1968, réinventent la manière de composer, de jouer et de diffuser la musique, commence avec Pierre Schaeffer, un personnage visionnaire qui, dès l’après-guerre, imagine les bases d’une musique révolutionnaire, non pas électronique, mais concrète, basée sur la manipulation de sons fixés, ou enregistrés.

Son premier « Concert de bruits » est organisé en 1948 avant qu’il ne fonde en 1951 le GRMC (Groupe de Recherches de Musique Concrète) qui devient en 1958 le GRM, réunissant des compositeurs pionniers comme Bernard Parmegiani, Ivo Malec, Guy Reibel, François Bayle et l’une des rares femmes de l’époque, Beatriz Ferreyra.

Leurs premières expériences de manipulation du son se font d’abord à l’aide de disques souples, sur lesquels sont gravés des sons, parfois sous formes de sillons fermés (de boucles), avant de passer à la bande magnétique.

Mais le GRM donne aussi naissance, dès le début des années 1950, à des instruments novateurs comme la série des phonogènes qui, comme un sampler, permet de contrôler et jouer des sons enregistrés, ou le morphophone, composé de têtes de lecture, de bande magnétique et de filtres, permettant de générer des effets de traitement du son.

A voir : Tranches de son" : quand Pierre Schaeffer et sa bande creusent leur sillon - Electro Life, INA.

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Jean-Michel Jarre évoque le Groupe de Recherches Musicales et l’héritage de Pierre Schaeffer.

« Mon premier contact sérieux avec la musique a été au GRM de Pierre Schaeffer, vers 1965. Je lui dois tout, et je pense que c'est l’un des pères, sinon le seul, de la musique actuelle. C'est le premier qui a établi le fait que la musique puisse être conçue en termes de son et non pas seulement de notes, et que ce qui pouvait différencier un bruit d'un son musical, c'est l'intention qu'on y porte.

Le fait d'enregistrer un bruit de voiture, par exemple, ça n’est plus un bruit mais un son musical à partir du moment où il est fixé sur une bande magnétique et qu'on en fait quelque chose de créatif. Je crois que c'est ça qui a changé ma vie de musicien, et qui a même changé le cours de la musique au XXe siècle. L’une des musiques les plus populaires du monde aujourd'hui, la musique électronique, est issue de cette idée simple.

Au GRM, mon premier contact avec la musique électronique, ça a été de travailler avec des bancs d'oscillateurs avant même que le concept de synthétiseur soit clair dans ma tête. J'expérimentais à l'aide de micros et de bandes et je m'amusais à enregistrer des séries de séquences et à les monter au ciseau et au scotch. On travaillait avec des instruments de laboratoires scientifiques ou médicaux qui n’étaient pas initialement destinés à la musique »

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Le studio de Cologne

En 1951, le musicien et musicologue Eimert, le physicien Meyer-Eppler et l’ingénieur du son Beyer fondent à Cologne, au sein de la radio ouest-allemande, le Studio Für Elektronische Musik, qui se distingue par ses recherches menées autour d’une musique entièrement générée à l’aide de l’électronique.

Opposés à la musique concrète française, les Allemands s’inscrivent d’abord dans la filiation de la musique sérielle et atonale. Cependant, les premières œuvres réalisées par leurs compositeurs, volontiers ingénieurs, se présentent plutôt comme des études de phénomènes sonores électroniques et ne peuvent être entendues aujourd’hui que comme la trace d’expériences encore primaires, voire naïves, comparées à l’inventivité poétique de la musique concrète.
À partir de la seconde moitié des années 1950, les activités du studio prennent une nouvelle dimension et de nombreux compositeurs invités signent quelques-unes des œuvres pionnières, et résolument formalistes, des débuts de la musique électronique, comme Séismogrammes (1954) d’Henri Pousseur, Artikulation (1958) de Györgi Ligeti, Transicion (1958) de Mauricio Kagel ou les œuvres du compositeur-phare du studio, Karlheinz Stockhausen, comme Gesang der Jünglinge (1955), Kontakte (1958-60), Mikrophonie I (1964) ou Stimmung (1968).

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Outsiders, ingénieurs et inventeurs : Raymond Scott, Jean-Jacques Perrey, Roger Roger, Eddie Warner.

Au cours des années 1950 et 1960, quelques compositeurs apportent des tonalités plus légères à la savante musique électronique. Loin du cadre des studios de recherche, ils travaillent au service de la télévision, de la publicité ou de la pop, à l’image du compositeur, luthier et inventeur Raymond Scott (1908-1994). À partir de 1946, cet ancien jazzman est l’auteur de jingles, d’effets sonores, de musiques d’illustration et, plus étrange, de trois albums dédiés aux tout-petits, qu’il réalise à l’aide de nouveaux instruments dont il est l’inventeur, comme le Clavivox ou l’Electronium.

Jean-Jacques Perrey (1929-2016), un compositeur français à l’inspiration espiègle, est renommé dès les années 1950 pour son usage pionnier de l’Ondioline, autre prototype de synthétiseur, avant qu’il ne compose de nombreux jingles pour la publicité et diverses musiques d’accompagnement, notamment pour Disney. Un album comme Moog Indigo (1970) l’impose plus tard comme un interprète inspiré du synthétiseur Moog.

Enfin, l’univers de la librairie musicale, la musique d’illustration destinée à l’audiovisuel, donne en France aussi naissance à des expériences singulières qui marient la pop aux sons novateurs de l’électronique chez Roger Roger ou Eddie Warner.

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Quand les recherches des avant-gardes gagnent l’univers de la pop : Beach Boys, Beatles, Silver Apples, Pink Floyd

À partir de 1967, les inventions de l’électronique savante inspirent des musiciens venus de la pop et du psychédélisme.

Pierre Henry délaisse un temps ses expériences de musique concrète afin de faire équipe avec le compositeur Michel Colombier. Ensemble ils signent en 1967 une série de « jerks électroniques » destinés au ballet de Maurice Béjart, Messe pour le temps présent, qui connaissent un immense succès public.

Mais la révolution se joue avant tout dans les espaces des studios pop qui deviennent dès lors de nouveaux lieux de création et d’expérimentation. Grâce aux tables de mixage multipistes, aux techniques de collage et de bouclage sur bande magnétique, sans oublier les innovations sonores offertes par la mise au point d’effets de filtre, de delay ou de réverbération, les Beach Boys apportent une nouvelle dimension à leurs chansons sur Pet Sounds (1967). Les Beatles et leur producteur George Martin utilisent les mêmes techniques sur Revolver (1966), Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967) ou le célèbre « album blanc » (1968).
Ces innovations se retrouvent par ailleurs chez des formations issues du psychédélisme comme le duo new-yorkais Silver Apples ou les plus célèbres Pink Floyd.

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Des pionnières dans les avant-gardes ?

À l’image de l’univers des sciences et des technologies, la musique électronique fût et est encore dominée par les hommes, même si on observe une mixité croissante depuis 2010.

Hormis Bebe Barron, qui fonde dès 1948, aux côtés de son mari Louis, le premier studio électronique indépendant à New York, seules quelques compositrices parviennent à se faire une place au cours de ces années, parmi lesquelles Daphne Oram, Beatriz Ferreyra ou Else Marie Pade.
Le BBC Radiophonic Workshop, l’atelier de création de la station britannique, abrite entre 1958 et 1960 deux compositrices, Daphne Oram (sa co-fondatrice) et Delia Derbyshire, dont le travail fût redécouvert à partir de la fin des années 2000.
Beatriz Ferreyra intègre quant à elle le GRM en 1963 avant de composer ses premières œuvres électroacoustiques comme Mer d’Azov (1965) et Demeures Aquatiques (1967).
La Danoise Else Marie Pade signe en 1959 la pièce Symphonie Magnétophonique, qui s’inscrit dans la tradition concrète française et Etude I (1962) qui rappelle les premières recherches de Stockhausen.
Enfin, l’Américaine Laurie Spiegel débute sa carrière en 1970 au sein du laboratoire Bell pour expérimenter à l’aide des premiers programmes informatiques dédiés à la composition.

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Les années planantes (1968-1978)

À partir de 1968, les innovations esthétiques et techniques de la musique savante électronique se répandent à travers le cinéma, le rock et la pop, avant de donner naissance, au cours de la décennie suivante, à une musique populaire entièrement électronique, mélodieuse et pulsée, souvent qualifiée de planante ou cosmique, dont témoignent les albums de Jean-Michel Jarre, Tangerine Dream, Vangelis ou Kraftwerk.

Une esthétique planante

Loin de l’esthétique percussive à laquelle on l’associe souvent, la musique électronique s’est aussi distinguée depuis ses origines, à travers une inspiration contemplative, aux timbres éthérés et aux notes tenues. De nombreuses pièces en forme d’études, issus des studios de recherche, particulièrement en Allemagne, tout comme certaines des premières bandes originales de film de cette même période, composées à l’aide du Thérémine ou des Ondes Martenot, exploraient déjà un registre abstrait, aux structures exemptes de métrique.

Dans les années 1970, une nouvelle génération, élevée dans le giron du classique, de la musique savante ou du rock et du jazz, parmi lesquels Jean-Michel Jarre, Richard Pinhas, Vangelis (archive) ou Edgar Froese, poursuivent ce type de recherches tout en s’affranchissant de leurs aînés. On qualifie alors ce courant musical de planant ou de cosmique, son esthétique étant encouragée par la richesse de timbres, les capacités de portamento et de séquençage offerts par les nouveaux synthétiseurs analogiques.

Dans les années 1980 et 1990, cette esthétique ressurgit chez les musiciens de la techno de Détroit comme Carl Craig ou Derrick May, qui réinventent l’électronique méditative des seventies y apportant un souffle mélancolique, mêlé d’influences jazz et funk.

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Kraftwerk

Le groupe majeur de la musique électronique est sans conteste Kraftwerk, une formation allemande bâtie autour de Ralf Hütter et Florian Schneider. Avec Radio-Activity (1975), Trans Europe Express (1977), Man Machine (1978) et Computer World (1981), il invente une pop électronique dont l’influence est dès lors considérable sur la pop, le rock, mais aussi la musique noire-américaine et le hip hop des années 1980, tout comme les vagues électro à venir.

Cette musique, que Ralf Hütter qualifie de « robot pop » ou d’industrielle Volksmuzik (une musique industrielle et populaire), composée de mélodies entêtantes, de « rythmes funky » et de sons mécaniques, exprime la relation intime entre l’individu, la technologie et le monde moderne.

Leurs chansons comme « Computer Love » ou « Pocket Calculator » évoquent des émotions universelles, nées avec la civilisation postindustrielle et informatique, à travers les thèmes des technologies domestiques, des moyens modernes de communication, du voyage ferroviaire ou automobile.

Enfin, ils explorent la notion d’homme-machine, centrale dans leur esthétique, qu’ils définissent comme une « camaraderie », voire une fusion entre l’homme et la technique.

A voir : Kraftwerk - Electro Life, INA.
... Ou l'invention de la pop électronique.

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Une France cosmique

Dans les années 1970, Jean-Michel Jarre n’est pas le seul musicien à explorer l’électronique. Dans la lignée du rock progressif, du jazz expérimental et du psychédélisme, on peut citer Bruits et temps analogues (1976) de Patrick Vian, aux timbres éthérés et aux séquences hypnotiques, Ose avec Adonia (1978), Hydravion avec Stratos Airlines (1979) ou enfin Some Deaths Take Forever (1980) de Bernard Szajner.

Plus purement électroniques, d’autres s’inscrivent dans l’héritage planant de la Berlin School, avec deux figures talentueuses mais hélas oubliées : Zanov (Green Ray, 1976) et Didier Bocquet (Voyage Cérébral, 1979).

Le grand public est toutefois plus sensible aux musiciens que l’on peut cataloguer dans le courant du space disco, mêlant mélodies altières et beats synthétiques, à l’image de certains titres de Cerrone, mais surtout de Didier Marouani et de son groupe Space. Son immense succès international dès 1977 avec Magic Fly, favorise l’émergence et la signature de bien d’autres artistes comme Space Art, Droids et Black Devil, sans oublier la publication de nombreux disques d’illustration musicale destinés à l’audiovisuel, signés Frédéric Mercier, Teddy Lasry ou René Roussel, qui explorent le registre d’une musique synthétique à l’imaginaire proche de la science-fiction.

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Heldon, pionniers français

Groupe prolifique formé autour du guitariste Richard Pinhas, Heldon est l’auteur de sept albums au cours des seventies, dont le premier, Electronique Guerrilla, paraît dès 1974, suivi entre autres par les remarquables Agneta Nilsson (1976) ou Interface (1977).

Inspiré par le rock progressif britannique et le kraut-rock allemand, proche des expériences du guitariste Robert Fripp, nourri d’expérimentations et de visions psychédéliques, Heldon mêle des timbres de guitares traités à l’aide d’effets, parfois âpres mais plus souvent planants et délicats, à des séquences hypnotiques de synthétiseurs, en particulier les VCS3 et Synthi AKS.

Le musicien français est toutefois plus encore nourri par la philosophie (il étudie notamment auprès de Gilles Deleuze à Vincennes, qu’il invite sur le titre "Le voyageur") et, comme beaucoup d’autres artistes de la même époque, par la science-fiction. Le nom du groupe lui-même fait référence à une cité fictionnelle décrite par l’auteur Norman Spinrad dans son roman Rêve de fer en 1972.

Formation parfois méconnue par les nouvelles générations, le groupe de Richard Pinhas, auquel participe des musiciens issus de groupes prestigieux comme Alain Renaud, de Triangle, ou Patrick Gauthier, de Magma, figure, au même titre que Jean-Michel Jarre, parmi les premiers musiciens français de la vague cosmique.

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Les années synthé (1978-1986)

C’est au croisement des années 1970 et 1980 que la musique électronique se démocratise réellement, dans les discothèques comme sur les ondes radios, grâce à l’arrivée sur le marché de synthétiseurs japonais bon marché, à travers la disco (Giorgio Moroder, Cerrone), les prémisses du hip hop (l’électro-funk), la new wave (Depeche Mode, New Order) et l’émergence de la DJ culture.

New Wave française et Jeunes Gens Modernes

Les phénomènes du postpunk et de la synth-pop ne se limitent pas aux seuls pays anglo-saxons. En Allemagne, en Belgique, en Suisse, en Italie, en Espagne et bien sûr en France, on observe le même type d’évolution et d’invention, même si la productivité des artistes du continent est loin d’égaler celle des britanniques.

La France s’inscrit dans le phénomène postpunk grâce à une multitude de groupes qui explorent donc eux aussi les croisements de la pop et de l’électronique, comme en attestent les albums Les visiteurs du soir (1981) de Mathématiques Modernes, Never Come Back (1982) de Kas Product ou Just Because (1984) de Martin Dupont.

Au sein de cette vague, les formations que la critique rassemble sous le terme de « jeunes gens modernes », auxquels il faut ajouter Indochine, connaissent un immense succès public et influencent même durablement la chanson française.
Des groupes comme Elli & Jacno avec Tout va sauter (1980) et Boomerang (1982), Taxi Girl avec Seppuku (1981) et le tube « Cherchez le garçon » (1980) et bien sûr La notte la notte (1984) d’Étienne Daho, figurent aujourd’hui parmi les références incontournables d’une nouvelle génération de chanteuses et chanteurs français des années 2010.

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L'électro dans l’audiovisuel et les arts vivants

La musique électro ne se limite pas à l’univers des fêtes, des clubs, des raves et des festivals. Au cours de son histoire, elle pénètre auprès du grand public à travers le cinéma, notamment la science-fiction et le fantastique, avant de conquérir au cours des années 1970 l’univers de la télévision puis de la publicité.

Elle est aujourd’hui omniprésente, dans le cinéma d’auteur comme le cinéma hollywoodien, à la télévision, dans les séries, sans oublier les arts numériques et la danse.

L’âge d’or des indicatifs

La télévision a beaucoup œuvré pour la démocratisation de l’électronique auprès du grand public. Dès les années 1970, les synthétiseurs accompagnent les indicatifs de chaînes et les génériques de journaux ou de séries télévisées.

Ce choix s’explique par l’image de modernité qui est véhiculée par ces instruments, mais aussi par l’économie des coûts d’enregistrement qu’ils permettent, face à ceux des orchestres.

Depuis, l’électronique s’est durablement implantée dans notre paysage audiovisuel, principalement dans l’univers des news, mais force est de constater que les percussions et les séquences actuelles de nos journaux radios ou télé sont loin de posséder la poésie ou l’esprit visionnaire de l’âge d’or des indicatifs de la télévision française.

Que l’on songe aux compositions de François de Roubaix pour la série enfantine Chapi Chapo (1974) ou le Commissaire Moulin (1976), le « Scoop » (1976) de Claude Perraudin pour TF1, les recherches rythmiques de Bernard Parmegiani pour Stade 2 (1976), le « Chronophonie » (1978) de Jean-Jacques Perrey, l’indicatif anxiogène de Daniel Humair pour le JT d’Antenne 2 (1977), L’aventure des plantes de Joël Fajerman (1982) ou enfin les séquences hypnotiques de Gérard Gesina et Jean-Claude Pierric pour 7 sur 7 (1984).

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Les années dancefloor : rave-parties, house et techno

La dance-music électronique moderne, dont les deux genres fondateurs sont la house et la techno, naît dans la seconde partie des années 1980, au sein d’une communauté de musiciens et DJ noirs-américains de Chicago, Detroit et New York, avant de conquérir l’Europe à travers le phénomène des rave-parties à partir des années 1990. Au cours de cette décennie, l’électro se déploie dans la plupart des pays européens, donnant naissance à des scènes locales ou nationales, par exemple en France à travers le phénomène de la French Touch.

Quelques pionniers français

Si Laurent Garnier et les Daft Punk incarnent aux yeux du grand public les figures tutélaires de la scène française, ils ne furent pas les seuls à explorer les nouvelles voies offertes par l’électronique et la DJ culture.

Venus de la new wave, de la disco ou du hip hop, des DJ comme Patrick Vidal, Erik Rug ou David Guetta ont initié leur carrière derrière les platines dès le début des années 1980, quelques temps avant que le jeune Garnier ne mixe à l’Hacienda de Manchester.

Parmi ceux-ci, Patrick Vidal et Christophe Monier font équipe dès 1990 avec le projet Discotique, dont le single « Sexe » est publié chez Rave Age, le premier label français du genre, suivi en 1992 par « Love Dub » qui apparaît sur la compilation historique, Respect For France. Cette collection rassemble d’ailleurs les principales personnalités de la scène électro française des débuts : Vidal et Monier donc, Laurent Garnier bien sûr, ainsi que Shazz et Ludovic Navarre (futur St Germain).
En solo comme en duo, que cela soit dans le registre de la house, du downtempo, parfois même de la techno et de la trance, ils signent tous deux certains des plus beaux maxis de l’époque, comme en témoignent les sonorités profondes et planantes du Nouveau EP de Soofle, le Quarter EP de Orange ou le « Prelusion » de Navarre.

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L'auteur

Jean-Yves Leloup

Jean-Yves Leloup fût l’un des témoins privilégiés de l’émergence du mouvement techno et rave en France, dont il se fît l’écho à travers de nombreux articles, émissions de radio et ouvrages (Techno 100, Electrosound, Digital Magma, Global Techno…).
Il est par ailleurs le commissaire de l’exposition Electro organisée à La Philharmonie de Paris du 9 avril au 11 août 2019.

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