X
interstitiel
Genres musicaux
Le Disco français
Il a conquis les dancefloors de la planète !
Si la planète a dansé sous les boules à facettes, rares sont les pays qui ont vraiment produit du disco : les États-Unis, l’Allemagne, et la France. Partez à la rencontre des créateurs du disco français qui ont popularisé chez nous (et exporté !) ce savoir-faire *Made in France*.

Comme le tango ou le twist, le mot disco désigne à la fois un style musical et une danse, voire un style vestimentaire. Les artistes disco – même masculins - sont souvent vêtus d’habits de lumière et se maquillent. Le Glam rock glitter leur avait ouvert la route, le public - qui ne veut plus ressembler à Madame ou Monsieur tout le monde - les imitera.

Le disco naît à une époque où les discothèques avec disc jockeys (DJ) ont démodé les bals populaires. Il libère les pulsions animales, et satisfait moins les émotions cérébrales. Énergique mais sensuel, quasi-sexuel, il est la musique du corps et de la nuit. Résultat d'un mélange de mélodie pop et d’orchestration funk, le musique disco est binaire avec un tempo rapide, entre 120 et 140 battements par minute (BPM). Les pulsations sont marquées par la grosse caisse sur chaque temps. La basse joue aussi un grand rôle, tout comme les cordes et les cuivres, mais surtout les synthétiseurs… et la voix de l’artiste.

En France, le disco n'est pas conçu pour être diffusé à la télévision car il est souvent chanté en anglais, donc moins accessible (et quand il est en français, les mots sont plus remplis de son que de sens). Comme il est bourré d’énergie positive et colorée, cela gêne moins les radios, périphériques, qui n’ont pas encore de quotas. Il est aussi promu par la presse jeune, désormais en quadrichromie, à son apogée. En revanche, le disco n’est pas fait pour être applaudi sur une scène, mais pour être dansé sur une piste (Du Palace à Paris au Studio 54 à New-York). Et l’Occident a besoin de faire la fête pour oublier la fin des Trente Glorieuses. 

Commercialement, le disco se vend surtout en 45 tours, et invente le format "Maxi-Single" qui comprend les premières versions longues de l’histoire. En France, 1977 marque l’apogée des ventes de formats courts. Pas un hasard... On vend aussi des formats longs : 33 tours mais également cassettes audio, d’autant plus que le walkman est inventé par les Japonais en fin de décennie. 

40 ans après le phénomène disco, et l’important rôle que les Français y ont joué, le french disco n’a pas eu les honneurs des Ors de la République, et ce malgré la série de disques d’or sur tous les continents. Puisse cette exposition lui permettre de commencer à être reconnu comme une partie de notre culture.

Jean-Pierre Pasqualini

Les pionniers (1972-1974)

À l’automne 1973, le premier choc pétrolier va marquer la fin des Trente Glorieuses. Dans la musique, à l’heure où "Les bals populaires" et l’accordéon prennent le maquis, les discothèques et les synthétiseurs annoncent leur règne avec l’arrivée du Mini-moog. La musique va progressivement devenir électronique... et disco. Une fois de plus, les États-Unis donnent le ton et le tempo. Mais qui sont les pionniers du disco en France ? Plutôt des musiciens et des artistes installés, un Mini-Moog étant cher à l’achat. On assiste au même phénomène qu’au début du rock, où les musiciens amateurs n’avaient pas accès aux guitares électriques. Voici donc l’histoire des pionniers du disco 100% français qui, de 1972 à 1974, par petites touches de son, vont donner des couleurs dansantes à la variété française.

L'explosion (1975-1976)

Milieu des années 70. La Crise est là. Désormais, la musique s’élabore dans un mélange d’instruments acoustiques, électriques et électroniques. Plus aucun studio d’enregistrement ne peut se passer d’un Moog. Le géant Bernard Estardy, l’ingénieur du son N°1 de la variété au Studio CBE, l’a bien compris. Bidouilleur de génie, il va optimiser le mélange pour le servir aux ex-idoles yéyés qui cherchent un nouveau souffle.

Pour l’heure, le disco est une musique d’avant-garde qui a encore une bonne image, ce qui pousse des artistes moins "variétés" à saupoudrer leurs oeuvres de poudre pailletée. C’est aussi la période où des aventuriers sans passé, qui n’ont rien à perdre et tout à prouver, tentent leur chance en créant du disco 100% français.

Le sacre (1977)

1977 : un an et demi après le début de ses vols commerciaux, le Concorde se pose enfin à New-York. Comme s’il tenait à contribuer à l'export des stars du disco français. En effet, c’est vraiment 1977 qui voit l’apogée du disco Made In France. En anglais. Evidemment, ce succès attire de nouveaux aventuriers qui tentent leur chance, et pousse d’autres stars de la variété à plonger dans le grand bain de mousse rose et or.

Et même si les adaptations ou covers sont moins rentables en matière de droits d’auteur que des titres originaux, elles sont toujours nombreuses. D’autant plus que les Américains montrent l’exemple en mettant à la sauce disco "tout ce qui bouge"… Rien de tel que de tremper un bon vieux standard, si possible international, dans un bain disco pour lui redonner une seconde jeunesse… planétaire !

Le règne (1978)

Alors que les Accords de Camp David sont signés entre l’Egypte et Israël, le disco règne sur le monde de la nuit, d’orient en occident. Le show bizz international se demande vraiment quand la mode va passer, même si le reggae commence à se populariser et le rock à reprendre du poil de la bête.

Les aventuriers du disco, qui se sont faits une place sous les sunlights des discothèques, font tout pour entretenir la flamme. Ils redoublent d’énergie et poussent les potentiomètres, notamment au niveau des watts. Sans compter que l’ensemble du monde de la variété française trempe désormais dans le disco, de gré ou de force, certains pour "un coup", d’autres plus sérieusement, au point de changer de look voire de nom. De 8 à 88 ans, toute la variété est gagnée par la fièvre du samedi soir. Le show business est devenu le disco business.

L'apogée (1979)

Alors qu’est créé l’ECU, ancêtre de l’Euro, l’avalanche disco de créations françaises – en anglais pour la plupart – redouble d’intensité. Désormais, tous les producteurs hexagonaux ont compris que le disco était la clé pour exporter la musique. Pourtant, avec le rock qui revient au premier plan, certains "aventuriers" du disco (Cerrone), à l’instar de disco queens (Donna Summer), lâchent le disco pour le rock. C’est le début de la fin. D’autant plus que nombreux sont les artistes de variété française qui s’y cassent les dents. Heureusement, le french disco compte encore quelques fulgurantes réussites (Born To Be Alive).

Et puis il y a toutes les stars du disco français qui, décomplexées par leur succès international, osent désormais commander des titres originaux à des Américains (Nile Rodgers et Bernard Edward de Chic écrivent Spacer pour Sheila).

Le recul (1980-1982)

Coluche se présente aux Présidentielles mais c’est l’ami de la Disco Queen Dalida, François Mitterrand, qui est élu en Mai 81. En ces temps de Changement, la jeunesse hexagonale aspire à d’autres musiques. Et c’est pareil partout sur la planète.

Les maisons de disques passent au rap qui balbutie, et reviennent à l’étalon rock (même Les Stones s’étaient « discoïfiés » avec « Miss You », ou Kiss avec « I Was Made For Loving You »). La bande FM s’ouvre aux « radios libres » qui vont aider une nouvelle génération d’aventuriers à s’imposer. Certains osent une disco touch, sans la nommer : le disco ne disparaît pas mais prend le maquis, sort masqué. Si Sheila, Juvet… passent au rock dit FM, d’autres artistes confirmés – toujours soutenus par les périphériques - restent fidèles au disco. D’autres débarquent sur ces plages vinyliques sans réaliser qu’il est un peu tard…

La fin (1983-1989)

Le disco est à l’agonie. Après les campagnes anti disco aux USA dès 1979 (« Disco Sucks : Le disco ça craint »), c’est la découverte du Sida qui assène un coup fatal en 1983. Les années de liberté sexuelle sont révolues. Sans compter qu’en France, le soufflet d’espoir né avec le socialisme au pouvoir est retombé. La nouvelle génération est « désenchantée ». Sur la Côte Est des Etats-Unis, on parle du Post-disco, réaction à la sur-commercialisation et l’écroulement artistique de cette musique. En France, le rap est en pleine ascension et le rock se renouvelle grâce aux échantillonneurs (ou samplers) australiens Fairlight. Quant au marché du disque, il change avec l’arrivée du CD en 1982 et du Top 50 en 1984. Cependant, quelques producteurs français ne veulent pas lâcher l’affaire, d’autant plus que le rap hexagonal, bâti sur les textes, a peu de chance de s’exporter. Et surtout que les vidéo-clips permettent une promotion planétaire depuis la création de MTV en 1981.

Adapt' disco (1974-1989)

Après 7 salles de tubes originaux, passons aux adaptations de titres étrangers dans notre langue.

Elles ne sont pas propres aux années 60 comme on le dit souvent. Depuis le début du disque, les artistes français ont toujours adapté. De Tino Rossi dans les années 30 à Francis Cabrel dans nos années 2010. Certes, après Mai 68 se développe une chanson populaire 100% française, mais on a continué a beaucoup adapter dans les années 70, dans tous les styles, et notamment le disco. A noter qu’à cette époque certains artistes français, reprennent des standards internationaux tels quels, juste pour le plaisir de les plonger en version originale dans la sauce disco. D’autres vont traduire, voire adapter des succès disco afin de les rendre plus accessibles.

Revue de détails des artistes français, génération par génération, de la plus récente à la plus ancienne….

L'auteur

Jean-Pierre Pasqualini

Animateur sur Melody, la chaine vintage de divertissement musical depuis 2003, JPP en dirige les programmes depuis 2013.

Cet ex-pionnier de la radio FM (entre 1982 et 1985) et rédacteur en chef de Platine Magazine durant 25 ans (de 1992 à 2017), membre de l’Académie Charles Cros et du Collège des Victoires de la Musique, est aussi sollicité régulièrement par de nombreux médias (M6, W9, C8…). Ces derniers mois, il a participé à de nombreux documentaires sur la chanson patrimoniale (Hallyday, Sardou, Pagny, Renaud…), comme contemporaine (Stromae, Christophe Mae…).

JPP intervient également sur les chaines et dans les émissions de News (BFM, LCI, C News, « Morandini », « C’est à vous »…) et les radios (Sud Radio, Europe Un, RMC Info Sport, France Inter…) pour des événements liés à la chanson (Eurovision, Disparitions de France Gall, Charles Aznavour, Dick Rivers…). Il a même commenté en direct les obsèques de Johnny Hallyday sur France 2 avec Julien Bugier.

Coté chansons, JPP a participé, depuis presque 30 ans, à de nombreux tremplins, du Pic d’or de Tarbes au Festival de Granby au Québec en passant par le tremplin du Chorus des Hauts de Seine.
Enfin, JPP a produit des artistes comme Vincent Niclo, en manage d’autres comme Thierry de Cara (qui a réalisé le premier album des Fréro Delavega)…
JPP a signé quelques ouvrages sur la musique et écrit des textes de chansons. Il a même déjà travaillé sur un album certifié disque de platine (Lilian Renaud).
Voir sa fiche