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Chronique
Je cherche après Titine
On l’a trouvée dans "Les temps modernes"

C’est l’une des scènes les plus célèbres du septième art : le numéro de Charlot au restaurant dans la comédie dramatique culte sortie en 1936. Embauché à l’essai, le personnage-phare de Charlie Chaplin vient de servir de façon rocambolesque et laborieuse un canard et une bouteille de vin à un client peu commode. On lui demande désormais de faire ses preuves comme chanteur, mais il peine à retenir les paroles du titre que lui a choisi sa complice, la ravissante Gamine incarnée par Paulette Goddard. Celle-ci offre alors de les lui écrire sur ses manchettes.

Un charabia en franco-italo-espagnol

L’orchestre lance l’introduction, et le héros, affublé de ses traditionnels veston trop ajusté et pantalon trop large salue l’assistance… d’un geste dont l’amplitude fait fuir les manchettes et la précieuse antisèche !
Regard paniqué, il se tourne alors vers la Gamine, qui répond « Sing !! Never mind the words » (Chante !! Ne t’occupe pas des paroles).
Charlot se met alors à improviser un savoureux charabia aux sonorités franco-italo-espagnoles tout en mimant des gestes amoureux et grivois.

Ce sera la seule fois que l’on entendra sa voix. Ce sera également l’un des premiers succès mondiaux que connaîtra une chanson de cinéma.

Connu dans le monde entier sous le nom de The Nonsense Song, ce morceau est en réalité français !

Titine, volage parisienne

En effet, bien avant son succès planétaire de 1936, il est né en 1917 dans les cafés-concerts parisiens. Marcel Bloch et Louis Maubon (auteurs de nombreux vaudevilles sous le nom de Bertal-Maubon) ainsi que Henri Lemonnier ont raconté l’histoire d’une femme volage rendant chèvre le narrateur, qui « cherche après Titine, mais ne la trouve pas ».
Le compositeur du Dénicheur, Léo Daniderff, l’a mise en musique sur un rythme fox-trot, trouvant une mélodie populeuse et entêtante. Parfaitement irrésistible, elle fait fureur dans ces lieux de la capitale où l’on vient s’encanailler autour d’un verre pour oublier un temps ses soucis.

Les soldats américains qui s’y attablent sont conquis par cet air facilement mémorisable et le ramènent avec eux outre-Atlantique, conservant une vague idées des paroles. Et le génie britannique installé aux Etats-Unis et sous contrat avec la United Artists s’en empara…

L’anecdote

En 1964, Jacques Brel publie une nouvelle Titine, dans laquelle il annonce avoir retrouvé celle qui était « partie comme ça, sans un geste, sans un mot, voir un film de Charlot au ciné d’Olympia », avant de reprendre une partie du refrain originel.

Par Vincent Dégremont - Platine

Partition et texte "Titine"
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L'auteur

Vincent Dégremont

Journaliste Sport & Musique.
Ecoute avec un égal bonheur « L’Apprenti sorcier » et « La Maladie d’amour ».
Préoccupé par le dérèglement climatique et les fake news.
Considère la cuisine comme un art majeur.