Née le 9 juin 1930 de deux parents juifs, Barbara a souffert de l’Occupation et des discriminations nazies. Tous les matins avant d’aller à l’école, la maman de la petite Monique Serf lui intime l’ordre de ne jamais évoquer sa confession à ses camarades. La famille est obligée de déménager de nombreuses fois, et notamment à cause de dénonciations de voisins. Des années plus tard, devenue une star accomplie, la Longue dame brune confiera avoir gardé le réflexe de se cacher dans les escaliers après avoir entendu frapper à la porte.
En juillet 1964, celle dont la notoriété n’a pas encore dépassé les scènes des cabarets de la rive-gauche doit aller honorer un engagement dans la ville universitaire de Göttingen, engagement qu’elle a accepté du bout des lèvres, l’Allemagne étant de son propre aveu « comme une griffe », associée aux traumatismes de son enfance et son adolescence.
Arrivée sur la scène du Junges Theater, Barbara fait un caprice d’appréhension, refusant de jouer sur le piano de l’établissement et exigeant un instrument de meilleure qualité que les organisateurs vont devoir trouver chez une voisine. Commencé très en retard, le concert se passe finalement à merveille, si bien que la Chanteuse de Minuit décide de prolonger son séjour d’une semaine afin de donner six autres représentations.
Un après-midi, inspirée par l’émotion qui l’envahit dans le jardin jouxtant le théâtre, elle écrit et compose en quelques heures Göttingen. Sans prétendre délivrer un message, en voulant simplement remercier ce public qu’elle redoutait et qui la touche tant. Barbara interprète sa nouvelle création lors de sa dernière, et fait chavirer les étudiants allemands.
Göttingen figurera sur Barbara n°2, le disque accompagnant la rentrée de l’artiste à Bobino en septembre 1965. Certains vers (« Ils savent mieux que nous, je pense, l’histoire de nos rois de France, Herman, Peter, Helga et Hans » ou encore « Lorsque sonnerait l’alarme, s’il fallait reprendre les armes, mon cœur verserait une larme, pour Göttingen ») font frémir la critique et s’indigner les associations d’anciens combattants.
Qu’à cela ne tienne, un an et demi plus tard, en souvenir de son succès, la chanteuse enregistre à Hambourg le seul opus en langue étrangère de sa carrière, Barbara singt Barbara, sur lequel figure sa plus belle histoire de réconciliation.
Le 22 janvier 2003 à Versailles, Gerhard Schröder, le Chancelier allemand, prononce quelques vers de Göttingen à l’occasion du quarantième anniversaire du traité de l’Elysée pour l’amitié entre la France et l’Allemagne.
L’année précédente, la chanson avait été mise au programme des écoles primaires et élémentaires d’outre-Rhin.
Crédit photo : AGIP/Bridgeman Images
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