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Chronique
"Rockollection" de Laurent Voulzy
Un truc qui nous colle toujours au corps et au cœur…

Avril 1977. Un ovni musical résonne soudain sur les ondes des radios : un morceau de onze minutes, fresque nostalgique des tubes des sixties, des Beatles aux Stones. Son titre, Rockollection, par un quasi inconnu nommé Laurent Voulzy.
La chanson se vendra à plus de cinq millions d’exemplaires et deviendra un tube international, revisité en une nouvelle version en 2008.

Comment vous est venue l’idée de cette chanson ?

C’est une longue histoire ! Un soir de l’été 1974, je dînais chez des amis et je me suis amusé à improviser une chanson qui racontait les tribulations d’un copain prénommé Daniel. Un an après, je travaillais sur une maquette pour une artiste américaine nommée Anne Calvert, qui chantait sous le pseudo d’Anne C. Sheridan.

La mélodie m’est revenue en mémoire, Anne a écrit un texte en anglais, l’histoire d’une fille qui est poursuivie dans la rue par un type louche, et on a baptisé le tout Thriller… sept ans avant le tube de Michael Jackson !

La chanson est restée dans un tiroir et, plusieurs mois après, j’ai eu envie de la reprendre pour raconter mes souvenirs en les illustrant par des citations musicales. L’idée m’est sans doute venue du tube de Claude François, Cette année-là: en l’entendant, je m’étais dit qu’il aurait pu y inclure des extraits de chansons de l’époque…

À quel moment Alain Souchon est-il intervenu ?

Au départ, j’avais écrit moi-même les paroles, des histoires de filles qui me plaisaient mais avec lesquelles il ne s’était rien passé. Alain a trouvé l’idée sympathique, mais le texte pas terrible… En un après-midi, il a réécrit cinq couplets.

À l’époque, une chanson de onze minutes, ça n’était pas courant… C’est mon directeur artistique chez RCA, Bob Socquet, qui avait insisté pour qu’on rallonge le morceau. Moi qui avais l’habitude d’enregistrer des singles en une journée, je pensais pouvoir boucler le tout en une semaine…

En fait, l’enregistrement a duré un bon mois et demi.

Il y a eu ensuite un imbroglio juridique, des problèmes de droits…

Trois mois après la sortie du disque, on a commencé à recevoir des assignations devant les tribunaux, de la part des éditeurs des extraits qu’on avait utilisés. Naïvement, on n’avait demandé aucune autorisation, et on était accusé de mutiler les chansons.

En plus, la maison de disques avait omis de créditer les auteurs sur la pochette, c’était simplement signé Souchon-Voulzy.

Les droits on été bloqués pendant trois ans, mais on a évité les procès et trouvé des arrangements à l’amiable.

Vous attendiez-vous à un tel succès ?

On rêve toujours du succès, mais on ne s’y attend jamais.

Même si j’avais déjà une notoriété de compositeur grâce aux chansons d’Alain, tous les disques que j’avais enregistrés, cinq 45 tours, n’avaient pas marché.

Il m’a fallu des années pour me rendre compte de l’impact de cette chanson. Aujourd’hui encore, tout le monde la connaît, même les très jeunes.

C’est une page de ma vie qui continue de m’émouvoir.

Par Philippe Barbot.
Crédit photo : Gilbert Uzan/Gamma Rapho

Partition "Rockollection"
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L'auteur

Philippe Barbot

Philippe Barbot, journaliste musical de Télérama à Rolling Stone, est aussi l'auteur d’une biographie d'Alain Bashung, de"Backstage"et de "101 Chansons Cultes".
Auteur compositeur interprète, il a publié deux albums de chansons, "Point Barre" et "Dynamo".