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Chronique
Destinée - 1982
Guy Marchand, Vladimir Cosma et Philippe Adler

Bienvenu dans l’histoire d’un cas relativement unique de la chanson de cinéma.
Un titre, « Destinée » qui illustre tout d’abord « Les sous-doués en vacances » (Claude Zidi, 1982) puis « Le Père Noël est une ordure » (Jean-Marie Poiré, 1982), qui devient un double-tube mais détesté à jamais par son interprète, le premier surpris et victime de son succès !

Dans le premier film, Guy Marchand campe à merveille le rôle d’un producteur ringard du nom de Paul Memphis. Grâce au Love Computer et à des tests sur cobayes, il est guidé dans l’élaboration de la chanson, celle sur qui les couples « faits l’un pour l’autre » se forment.

La première version alternative proposait « Désespoir, je vois tout en noir, il va pleuvoir », une autre « Sur la plage, j'irai te chercher des coquillages ». Mais Destinée est plus forte que tout.
Nous sommes au second degré, Paul Memphis est insupportable, se croit irrésistible et ce slow n’est en réalité qu’une parodie. La mélodie est un habile décalque signé Vladimir Cosma (compositeur de toute la musique du long métrage) qui inverse les notes de « L’été Indien » de Joe Dassin parue en 1975, sur un texte de Philippe Adler et de Guy Marchand.

Quand le film sort en mars 1982 et cartonne (plus de 3,5 millions d’entrées), il emmène en haut des charts le slow qui tue littéralement.
Guy Marchand fait le tour des plateaux TV où il interprète sa ritournelle devant des spectateurs qui ne connaissent pas forcément le personnage de Paul Memphis. Est-il un crooner sérieux ? Est-ce une blague ? Confusion générale mais le disque se vend comme des petits pains.

Quelques mois plus tard, le 25 août 1982 sort « Le Père Noël est une ordure » (1,6 millions d’entrées) et la scène mythique du slow entre Katia (Christian Clavier) et Pierre Mortez (Thierry Lhermitte) est accompagnée de la même chanson.
Notons qu’à l’origine dans la pièce, il s’agissait d’un titre de Charles Aznavour. Pendant le tournage de l’adaptation cinéma, le slow prévu est un tube de Julio Iglesias mais au dernier moment, coup de théâtre : la production n’a plus les droits du morceau et se tourne vers le compositeur du reste de la musique du film, Vladimir Cosma.
Celui-ci a l’idée de génie et propose « Destinée », sortie six mois plus tôt. Guy Marchand, Philippe Adler et Claude Zidi donnent leur accord et l’utilisation du tube lui apporte une ampleur nouvelle, une magie extra-terrestre au film devenu culte.
Détail amusant : si on regarde bien la scène, le plan de caméra sur la pochette du disque n’est absolument pas le visuel original du 45t mais un faux disque qui a été ajouté à la va-vite. Et comme l'un des personnages le fait remarquer : "C'est un bon slow !".

Le second degré de la chanson est alors encore plus flagrant mais Guy Marchand demeure consterné, l’arroseur arrosé, le fan de jazz dont le plus grand succès est une parodie loufoque que trop nombreux pensent sérieuse et dont les innombrables diffusions TV font perdurer le succès.

Bulletin de déclaration "Destinée"
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Texte "Destinée"
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L'auteur

Mathieu Alterman

Journaliste, chroniqueur (LCI, C8, Le Point, ...) et réalisateur de documentaires (Les Magnifiques - Paris Première).

Après avoir été pendant dix ans directeur artistique en maisons de disques et prêté sa plume à la revue Schnock, il enseigne le décryptage de la pop-culture, la communication de crise, le pitching et l’histoire des médias.

Il anime des conférences pour le groupe Ionis (Jacques Séguéla, Maurice Levy, Jacques Attali, …) et est aussi l’auteur de plusieurs livres dont « Les larmes de Johnny » (éditions Carnets Nord) et « Femmes Fatales (éditions Quai des Brunes).
Chroniqueur dans TPMP sur C8, professeur de pop culture et de podcast.