« Elle est abonnée à Marie Claire / Dans L'Nouvel Obs elle ne lit que Bretécher / Le Monde y a longtemps qu'elle fait plus semblant / Elle achète Match en cachette c'est bien plus saignant / Ne la laisse pas tomber / Elle est si fragile / Être une femme libérée tu sais c'est pas si facile ».
Femme libérée ne sortira que quelques mois plus tard, le 1er juillet. Finalement, la musique sera modifiée et créditée à Christian Dingler, dont le groupe a adopté son surnom de collégien, Cookie Dingler.
Le texte de Joëlle Kopf a été légèrement amendé puisque, sur un rythme de reggae doux, le chanteur dit « Elle achète Match en cachette c'est bien plus marrant ». La chanson devient un tube hégémonique de l’été 1984.
Passé par un pensionnat jésuite de Dole où il a rencontré Hubert-Félix Thiéfaine et le futur Laroche-Valmont, Christian Dingler appartient à cette génération nourrie de rock et de mille autres musiques, aussi hédoniste qu’insolente, prête à secouer toutes les vieilles habitudes – y compris celles de la révolte à guitares. À la rentrée, Femme libérée apparaît en deuxième place du premier Top 50 du 27 octobre 1984 et reste classée dix-huit semaines – un des premiers records du tout nouveau classement officiel des ventes de disques en France.
Une partie du public et des médias voit même un symptôme politique et culturel dans le fait que Besoin de rien, envie de toi par Peter et Sloane soit le premier n°1 du Top 50 et non cette chanson moderne d’une claire portée sociologique et que Miles Davis lui-même évoque avec ferveur dans une interview. Cookie Dingler enregistre des versions allemande (Unheimlich Stark, Die Frau, adaptée par Michael Kunze) et anglaise (Liberated Woman, texte de Gary Osborne) de son tube.
Pourtant, Cookie Dingler ne va pas s’obstiner quand les singles suivants, Faut pas rêver et Cou tout noué, ne renouvellent pas le score de Femme libérée. Il se lance dans l’aventure du théâtre et abandonne la chanson pendant quelques décennies.
Joëlle Kopf ne pense pas non plus à une carrière de chanteuse au long cours. Les archivistes ont conservé le souvenir d’une chanson intitulée Tant pis pour moi, interprétée sur une compilation d’espoirs locaux éditée par FR3 Alsace quelques années avant Femme libérée.
La voie la plus féconde lui est ouverte par l’écriture. Ses private jokes tendent un miroir à ses contemporaines : « Sa première ride lui fait du souci / Le reflet du miroir pèse sur sa vie / Elle rentre son ventre à chaque fois qu'elle sort / Même dans Elle ils disent qu'il faut faire un effort ». Ce qui était un autoportrait s’est mué en constat sur son époque, et elle se trouve dans la situation de ces auteurs qui parlent d’eux-mêmes pour mieux dévoiler les autres.
Désormais, sa plume sert Patricia Kaas (Je te dis vous, Fatiguée d’attendre, Les Mannequins d’osier, Tropic Bar Blues, L’Amour devant la mer), Zazie (Adam et Yves), Maxime le Forestier (Portrait de fille), Calogero (De cendres et de terre), Viktor Lazlo (L’Automne à Vienne), Mireille Mathieu, Phil Barney, Jean Fallissard…
Par Bertrand Dicale
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