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Chronique
L’arrivée du phonographe et du droit de reproduction mécanique
7/ Lucien Vivès contre Pathé
Mais rebroussons chemin un instant (en pays de copyright, on appellerait cela un flash-back !). Nous sommes en 1889, trois ans après la signature bernoise.

La troisième République veut fêter dignement le centenaire de la Révolution Française en organisant une mémorable Exposition Universelle.

Thomas Edison (c) Phono Museum Paris
Le clou en est, bien sûr, la tour construite par Gustave Eiffel, inaugurée le 31 mars à 13h30.
Or, il se trouve qu'au pied du monument un stand a été spécialement aménagé pour permettre à Thomas Edison de présenter sa nouvelle invention : le phonographe.

Il se trouve aussi qu'un jeune poète français, Charles Cros, a eu exactement la même idée, au début des années 1880 : le parlophone, un bec de plume fixé à une membrane vibrante qui creuse une plaque de cire vierge actionnée par un mouvement d'horlogerie !

Mais Monsieur Edison qui, lui, n'est pas poète, réalise et exploite sa découverte de façon beaucoup plus pragmatique… C'est une révolution, bien sûr, de bon aloi pour fêter dignement celle de la Bastille, mais qui va aussi engendrer de nouveaux droits pour les créateurs, puisque leurs œuvres vont être reproduites sur des supports sonores !

Un procès haut en couleurs

(c) Phono Museum Paris
C'est ce que pense, en tout cas, Philippe Marquet, qui, à la fin du XIXe siècle, au nom de la Chambre syndicale des éditeurs de musique, attaque plusieurs fabricants de cylindres sonores afin que les ayants droit puissent tirer profit de la reproduction de leurs œuvres.
Eh bien ! le croirez-vous, la Cour débouta le courageux demandeur en assimilant la duplication sonore aux boîtes à musique et autres limonaires.

En 1901, un certain Lucien Vivés, retraité des contributions directes, mit cependant son énergie à… contribution et reprit le dossier, estimant cet arrêt injuste. Il fut suivi par l'éditeur Célestin Joubert et attaqua la firme Pathé.

Perdu en première instance, le procès fut gagné en appel, en 1903, après que Vivès eut engagé comme avocat Raymond Poincaré, et fait écouter aux juges un enregistrement de sa propre voix leur demandant s'il fallait les insulter afin qu'ils soient enfin persuadés qu'il ne s'agissait pas là d'une simple mélopée automatique jouée par un limonaire.

Le droit de reproduction mécanique était né. Vivès en établit le bureau, ancêtre de la SDRM créée par Alphonse Tournier, père de notre Président du Directoire, en 1935.

Par Claude Lemesle