Eh oui, cher Lakanal, c'était là parler d'or, mais le bon sens qui vous avait dicté ces quelques mots simples et sublimes avait jusqu'alors bien manqué aux hommes et elle avait encore bien des étapes à parcourir, « la longue marche du droit d'auteur » !...
Deux cents ans plus tard, si Terence (190/159 AV JC, inventeur de la comédie dramatique bourgeoise) emploie l'expression « plus voleur qu'un poète », c'est que ceux-ci se pillent allégrement les uns les autres, aucune législation ne les en empêchant. Quant au poète Martial (inventeur des épigrammes, ancêtres de nos « Guignols »), qui n'a pas créé de loi lui non plus, il compare un de ses poèmes, qu'un autre écrivain s'est approprié sans vergogne, à un enfant tombé aux mains d'un ravisseur : « plagiarus » (voleur des esclaves d'autrui). De là naîtra notre mot « plagiat ».
Jusqu'à la fin du Moyen Âge, le développement de l'alphabétisation, des technologies et du marché des œuvres ont permis à celles-ci d'être exploitées après leur première mise à disposition du public, mais toujours sans profit pour leurs auteurs.
Après l'invention de l'imprimerie au XVème siècle, c'est à l'imprimeur et à l'éditeur que revient le monopole d'utilisation de l'œuvre sous forme de brevets d'impression et de privilège, délivrés, conformément au droit public, par le souverain. Le créateur, quant à lui, vit des libéralités d'un mécène.
Il fallait donc mettre un terme à ce vide juridique, insulte permanente au talent et à l'imagination des artisans de la création.
Par Claude Lemesle.