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Chronique
Le droit d’auteur, une question depuis la nuit des temps !
1/ De Platon à Lakanal
En 1791, Lakanal, - surtout connu aujourd'hui en tant que lycée - déclarait solennellement à l'Assemblée Constituante : « La propriété de toutes les propriétés la moins susceptible de contestation, celle dont l'accroissement ne peut ni blesser l'égalité républicaine, ni donner ombrage à la liberté, c'est sans contredit celle des productions du génie, et si quelque chose doit étonner, c'est qu'il ait fallu reconnaître cette propriété, assurer son libre exercice, par une loi positive. »

Eh oui, cher Lakanal, c'était là parler d'or, mais le bon sens qui vous avait dicté ces quelques mots simples et sublimes avait jusqu'alors bien manqué aux hommes et elle avait encore bien des étapes à parcourir, « la longue marche du droit d'auteur » !...

Quatre cents ans avant Jésus Christ, Platon se plaignait déjà !

Lakanal © RMN-Grand Palais (Château de Blérancourt) / Gérard Blot
Pensez ! Quatre siècles avant Jésus-Christ, Platon se plaignait déjà que l'on fît circuler sans son autorisation des transcriptions de ses discours en Sicile…

Deux cents ans plus tard, si Terence (190/159 AV JC, inventeur de la comédie dramatique bourgeoise) emploie l'expression « plus voleur qu'un poète », c'est que ceux-ci se pillent allégrement les uns les autres, aucune législation ne les en empêchant. Quant au poète Martial (inventeur des épigrammes, ancêtres de nos « Guignols »), qui n'a pas créé de loi lui non plus, il compare un de ses poèmes, qu'un autre écrivain s'est approprié sans vergogne, à un enfant tombé aux mains d'un ravisseur : « plagiarus » (voleur des esclaves d'autrui). De là naîtra notre mot « plagiat ».

Plaute et Spartacus, même combat…

© BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF
Dans la Rome antique, l'auteur n'a donc de droit de propriété que sur l'exemplaire original de l'œuvre, qu'il négocie en fonction de sa réputation : Terence vend par exemple sa pièce « L'Eunuque » 8000 sesterces, c'est-à-dire l'équivalent de… huit esclaves ordinaires. Pour les exploitations ultérieures, le créateur et sa toge font ceinture !

Jusqu'à la fin du Moyen Âge, le développement de l'alphabétisation, des technologies et du marché des œuvres ont permis à celles-ci d'être exploitées après leur première mise à disposition du public, mais toujours sans profit pour leurs auteurs.

Après l'invention de l'imprimerie au XVème siècle, c'est à l'imprimeur et à l'éditeur que revient le monopole d'utilisation de l'œuvre sous forme de brevets d'impression et de privilège, délivrés, conformément au droit public, par le souverain. Le créateur, quant à lui, vit des libéralités d'un mécène.

Il fallait donc mettre un terme à ce vide juridique, insulte permanente au talent et à l'imagination des artisans de la création.

Par Claude Lemesle.