exposition
Meneuse de revue historique, vedette du music-hall et figure de la Résistance, Joséphine Baker a marqué l’histoire du XXe siècle par son art, sa détermination ainsi que par ses engagements.
« Un violoniste avait un violon, un peintre sa palette. Tout ce que j’avais, c’était moi-même. J’étais l’instrument dont je devais prendre soin. » Il a fallu peu de temps à Joséphine Baker, née Freda Josephine McDonald, pour apprivoiser sa fibre artistique et devenir la grande meneuse de revue, vedette des music-halls que l’on connaît aujourd’hui. Un temps à piquer les vêtements de sa mère, musicienne et danseuse, pour se créer des costumes, un autre à créer un petit théâtre chez elle avec des chutes de rideaux, la petite Freda cultive aussi sa passion pour le théâtre en allant chaque dimanche voir des représentations au Bascher Washington. Prix d’entrée ? 15 centimes…
Née en 1906, Joséphine Baker grandit dans une famille pauvre de la ville américaine de Saint-Louis (Missouri). Mariée à treize ans, divorcée l’année suivante, elle travaille, malgré son jeune âge, pour subvenir aux besoins de sa famille. Dans ses Mémoires, elle dira : « J’avais froid et j’ai dansé pour avoir chaud. »
Car la danse, c’est son essence. L’art, son refuge. Alors, à seize ans, avec son billet en poche, elle part en direction de Broadway, capitale artistique du monde, lieu de tous les possibles et des plus grandes scènes. Déterminée. Peu importent les refus, comme le racisme dont elle est victime.
Joséphine Baker toque aux portes. Un jour, deux, cinquante s’il le faut. Et ça marche. Elle finit par intégrer la troupe de la comédie musicale Shuffle Along, puis celle de Chocolate Dandies. Jusqu’à une rencontre marquante, celle avec Caroline Reagan, une femme influente. Cette dernière croit en elle et surenchérit : pour 250 dollars par semaine, elle la convainc d’embarquer sur le paquebot transatlantique Berengaria pour gagner Paris.
Au milieu des années 1920, Joséphine Baker devient la meneuse de la Revue nègre au cœur du théâtre des Champs-Élysées. Entourée de la troupe, avec sa désormais célèbre danse sauvage et sa jupe de bananes, elle se révèle au monde entier.
Et Joséphine fascine autant qu’elle déroute. Les salles et les producteurs se l’arrachent. En 1930, après une centaine de représentations de la Revue nègre, la petite de Saint-Louis intègre le Casino de Paris avec la revue Paris qui remue, d’Henri Varna.
Ce dernier, directeur de la salle, lui écrit alors une chanson, véritable déclaration d’amour à son pays de naissance, les États-Unis, et son pays d’adoption, la France. « J’ai deux amours » – « Par eux toujours, mon cœur est ravi », chante-t-elle – est un titre qui entre dans l’Histoire.
Mais Joséphine Baker n’est pas qu’une grande vedette. Elle est aussi une figure de la Résistance. Au début de la Seconde Guerre mondiale, alors au sommet de sa gloire, elle rencontre Jacques Abtey, jeune officier à la tête du service des renseignements. Joséphine, qui souhaite « servir le pays à l’égard duquel j’aurai toujours une dette de reconnaissance », dira-t-elle plus tard, devient espionne. Elle profite des soirées mondaines pour recueillir des informations et va même jusqu’à coder un langage sur ses partitions.
À la fin de la guerre, en 1945, elle célèbre la victoire en se produisant lors d’un gala au profit des Forces françaises libres. Pour ses actions pendant la guerre, elle reçoit des mains du général de Gaulle la médaille de la Résistance. L’engagement fait partie de sa personnalité et ne l’a jamais quittée.
Au début des années 1960, on la voit aux côtés de Martin Luther King dans sa lutte contre l’apartheid. Militante contre le racisme dont elle a été victime toute sa vie, elle fait également de son château des Milandes un orphelinat, en adoptant une dizaine d’enfants. Une famille qu’elle appelle la tribu arc-en-ciel.
Pour son art, son engagement et ses causes, Joséphine Baker entre au Panthéon le 30 novembre 2021, « au nom du combat qu’elle mena toute sa vie pour la liberté et l’émancipation, la France éternelle des Lumières universelles ».