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Pierre Bachelet, chanteur du Nord et d'ailleurs


Chanteur populaire aux nombreux tubes (« Les corons », « Elle est d’ailleurs »…) ayant fortement marqué les années 1980, Pierre Bachelet a signé quantité de musiques de films cultes (Les Bronzés font du ski, Emmanuelle, etc.). Le Calaisien de cœur aurait eu quatre-vingts ans cette année.

Pierre Bachelet naît le 25 mai 1944 à Paris. Il grandit à Calais, dans la blanchisserie de ses parents Maurice et Alberte, originaires du Pas-de-Calais. Son amour de la mer et des navigateurs s’enracine dans une enfance passée dans cette ville portuaire. « Il regardait les ferrys partir et rêvait d’avoir un bateau », raconte en 2015 au Parisien Françoise (dite Fanfan), dernière épouse de l’artiste.

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De la télévision au cinéma


Ses parents ayant déménagé à Paris, Pierre poursuit ses études à l’école de cinéma de la rue de Vaugirard. D’abord réalisateur de documentaires puis illustrateur sonore (pour le magazine féminin de la deuxième chaîne Dim Dam Dom), il passe à la composition de musiques de publicités et de documentaires. Il se fait remarquer en concevant des effets spéciaux et musicaux en 1972 – année de son adhésion à la Sacem – pour la série documentaire naturaliste de Frédéric Rossif L’Opéra sauvage, dont Vangelis, un des pionniers de la musique électronique, compose la musique.

Appartenant à la même génération que lui, ses amis d’alors se nomment Patrice Leconte et Jean-Jacques Annaud. Pour le réalisateur Just Jaeckin, il compose avec l’aide de l’auteur-compositeur Hervé Roy la musique du film érotique culte Emmanuelle, sorti en 1974. Avec 1,4 million de 33-tours et 4 millions de 45-tours vendus, c’est un carton en salle et dans les bacs. Enregistrée dans deux versions, française et anglaise, la chanson « Emmanuelle » est la première performance vocale de Pierre Bachelet.

Prolongeant sa fructueuse collaboration avec Jaeckin sur Histoire d’O (1975) et Le Dernier Amant romantique en 1978, il s’attelle la même année à la partition de Coup de tête de Jean-Jacques Annaud et, l’année suivante – où il devient sociétaire définitif de la Sacem –, à celle des Bronzés font du ski de Patrice Leconte. Le musicien y signe notamment un thème rock sautillant interprété par Éric Filet : « Just Because of You (Come on My Love) ».

La chanson, un succès presque accidentel


C’est aussi à partir de 1974, à la suite d’un accident de voiture qui l’oblige à rester immobilisé plusieurs mois, que Pierre Bachelet s’investit de plus en plus dans l’écriture de chansons. Il compose son premier album studio, L’Atlantique, en 1975, et ouvre une parenthèse vite refermée en cofondant avec Mat Camison le groupe Résonance. Mais son heure se fait attendre jusqu’en 1980.

Sort alors son deuxième album Elle est d’ailleurs dont la chanson-titre s’écoule à plus de 1,5 million d’exemplaires. Ce tournant dans sa carrière marque le début d’une longue collaboration avec le parolier Jean-Pierre Lang, auteur de textes pour Johnny Hallyday, Sylvie Vartan ou Marcel Amont. Ensemble, ils créeront près de 180 chansons parmi lesquelles « En l’an 2001 » (1985) ; « C’est pour elle » (1987) ; « Pleure pas Boulou » (1989) ; « Laissez chanter le français » (1992).

Cette association atteint son paroxysme dès 1982, avec la sortie du tube « Les corons », tiré du troisième album éponyme de Pierre Bachelet. Il s’agit de « l’une des chansons les plus archétypales de la description d’un territoire, de sa géographie physique, sociale et humaine », écrit le journaliste Bertrand Dicale. Cet hymne au bassin minier du Nord-Pas-de-Calais et à la vie des mineurs se déroule sur fond de « terrils à défaut de montagnes ». Sur le tempo d’une balade aux sonorités synthétiques à la mode de l’époque, la chanson est paradoxalement appelée à devenir un hymne régional, entonnée des stades de foot aux soirées des grandes écoles. Elle se confond aujourd’hui avec le nom de l’artiste.

Entre 1983 et 2001, suivront 9 albums studio composés de titres originaux parmi lesquels Marionnettiste, disque d’or en 1985, Vingt ans en 1987 et Quelque part… c’est toujours ailleurs en 1989, tous deux disques de platine. Les années 1990 sont marquées par une légère érosion des ventes d’albums. Bachelet reste pourtant présent dans les médias.

Prolifique jusqu’à la fin


Sa carrière de compositeur de B.O. de films se clôt à la même époque, avec les comédies dramatiques Les enfants du marais (1999) et Un crime au paradis (2001), signées Jean Becker. À cette occasion, l’artiste confie en partie les arrangements à son fils Quentin, issu d’un deuxième mariage.

Atteint d’un cancer du poumon, tout comme son modèle Jacques Brel l’avait été, Pierre Bachelet a tout de même le temps de publier un album d’hommage à son sosie presque parfait, en 2003 : Tu ne nous quittes pas (Bachelet chante Brel).

Le 15 février 2005, le chanteur âgé de soixante ans s’éteint à son domicile de Suresnes (Hauts-de-Seine). Un album posthume voit le jour trois ans plus tard. Enregistré en 2004 et réalisé par sa veuve Fanfan et le producteur Jean-Luc Spagnolo, Essaye reprend trois de ses plus grands succès réorchestrés pour l’occasion : « Sans toi », « Emmanuelle » et « Les corons ». Sur cette bonus track, la participation de la Chorale de Vieux-Condé (commune de la banlieue de Valenciennes) et des supporters du RC Lens achève d’inscrire Pierre Bachelet dans la mémoire populaire des gens du Nord.

Publié le 14 février 2025 - crédit photo : Simon Dubois/Fastimage