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Aristide Bruant, les mots des époques


Voix d’une époque et voix des autres, Aristide Bruant est une figure de la chanson réaliste, celle qui décrit le monde et ses révolutions. Profondément marquée par ses rencontres, son œuvre est entrée dans la culture populaire grâce à sa gouaille, ses textes travaillés et son franc-parler.

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Un chanteur réaliste


Aristide Bruant, c’est d’abord une voix. Une voix rauque, parfois éraillée, toujours puissante. Une voix, surtout, qui clame des phrases qui jonglent avec les mots. Aristide Bruant est un chansonnier, parmi l’un des plus grands poètes de la fin du XIXe siècle. Mais pas de n’importe quelle poésie : celle en argot et celle que l’on appelle la « chanson réaliste ». Réaliste par ce qu’elle dénonce : les réalités sociales, les révolutions. Les maux des gens, des quartiers comme du monde.

Issu pourtant d’une famille bourgeoise du Loiret, né en 1851, Aristide Bruant a vécu tout au long de sa vie de quoi s’inspirer. Son expérience de franc-tireur pendant la guerre de 1870, d’abord, mais surtout en s’imprégnant des personnes qui l’entourent. Ces ouvriers ou garçons de café qu’il rencontre après avoir suivi ses parents à Paris et entamé des études d’apprenti bijoutier. Ses collègues, aussi, qui animent son quotidien à la Compagnie des chemins de fer du Nord qu’il intègre à dix-neuf ans. C’est avec toutes ces figures qu’il se prend d’amour pour l’argot sous toutes ses formes. Il commence par écrire des romances, les chante dans des goguettes, puis se fait remarquer.

Très vite, la scène l’appelle. Dans des cafés-concerts parisiens, comme au Concert des Amandiers. Et la scène le lui rend bien : entre chants sociaux, drôleries et chansonneries, Aristide Bruant se forge une réputation et s’adapte à son époque et à ses fluctuations. Comme lorsqu’il écrit la marche militaire « V’là l’cent treizième qui passe », alors qu’il est incorporé dans l’infanterie 113e de ligne à Melun. Après cette expérience, il intègre l’équipe du Chat noir en 1881 aux côtés de Rodolphe Salis, son créateur et propriétaire. C’est dans ce cabaret phare, situé aux portes de Montmartre, qu’il compose sa célèbre « Ballade du Chat noir ». L’une de ses œuvres marquantes.

Du Mirliton aux chants d’une époque jamais révolue


Si ses chansons sont entrées dans la postérité, une représentation marque sa carrière. Il n’y a que trois clients : ils sont seulement trois à venir à l’inauguration du Mirliton, nouveau nom donné au Chat noir après son déménagement quelques rues plus loin. Aristide Bruant, loin de s’en accommoder, les invective. Mais c’est ce qui plaît. Cette gouaille, ce sarcasme. De cette soirée reste une phrase : « Oh c’te gueule, c’te binette », lancée à chaque arrivée d’un client. Aristide Bruant devient alors le chanteur populaire des personnes désargentées, des révoltés, des isolés, de ceux que l’on exploite, que l’on persifle ou que l’on ne voit pas toujours. Comme dans « Les canuts », ces ouvriers lyonnais à qui il dédie une chanson encore célèbre. Il chante ces quartiers parisiens « où qu’les p’tiots qu’ont pas d’métiers », ces « princes du sang » qui « ont la gueule et la vi’ dures ».

L’écriture, la chanson et le goût des rues comme des autres imprègnent sa vie jusqu’au début du xxe siècle, où il donne une ultime série de spectacles au théâtre de l’Empire.
​​​​​​​Aristide Bruant décède à Paris quelques semaines plus tard, le 11 février 1925, faisant de lui l’une des figures de la chanson réaliste, avant Édith Piaf ou encore Bourvil.

Publié en février 2025.
Crédit photo : PVDE/Bridgeman Images