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Anatole France, une institution de la IIIe République


Disparu en 1924, Anatole France est une institution de la IIIe République.

Conscience de son temps, ce magicien des lettres couronné du prix Nobel de littérature en 1921 mérite que l’on redécouvre son œuvre romanesque teintée d’histoire, pessimiste mais cultivant le beau.

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Élevé au milieu des livres


Anatole France, pour l’état civil François-Anatole Thibault, voit le jour le 16 avril 1844 à Paris. Sa mère, Antoinette Gallas, est issue d’une famille de meuniers de Chartres. Fils de cordonniers pauvres du Maine-et-Loire, son père, François-Noël Thibaut, dit Noël France, reste analphabète jusqu’à l’âge de vingt ans. Ce soldat légitimiste qui s’était pris d’amour pour les livres lors du service militaire n’en devient pas moins libraire, propriétaire d’un commerce spécialisé dans les ouvrages et documents relatifs à la Révolution française, la Librairie France, notamment fréquentée par les frères Goncourt.

Grandir dans ce décor conduit le jeune Anatole à devenir un expert de la période. Il en fera la toile de fond de plusieurs romans et nouvelles parmi lesquels son chef-d’œuvre Les dieux ont soif (1912), témoignant de son goût pour l’histoire et d’un esprit tourné vers le passé.

Travaillant à ses débuts pour diverses librairies et revues, Anatole France refuse de prendre la succession de son père. Le surnom de celui-ci, contraction de François, deviendra en revanche son nom de plume.

Dans le cercle des poètes parnassiens


Anatole France entre en littérature par la poésie. Souffrant de relations complexes avec les femmes au début de sa vie sentimentale, il dédie quelques poèmes à l’actrice Élise Devoyod en 1866. En 1877, il épouse en premières noces Valérie Guérin de Sauville, petite-fille d’un miniaturiste de Louis XVI.

Disciple du poète Leconte de Lisle, il travaille quelque temps à ses côtés en tant que bibliothécaire du Sénat – il en sera commis surveillant de 1876 à 1890. En 1867, il devient membre du groupe du Parnasse, un mouvement poétique qui se garde du lyrisme et rejette toute forme d’engagement social ou politique. Cette conception de l’art poétique peut sembler paradoxale au regard des partis pris humanistes à venir de l’intellectuel.

En 1876, il publie Les Noces corinthiennes, un poème dramatique en trois actes dont l’organiste, compositeur et chef d’orchestre Henri Büsser tirera un opéra en 1923.

Succès immédiat pour une carrière tardive de romancier


L’écrivain s’oriente tardivement vers le roman, décrochant néanmoins son premier succès en 1881 dès son premier opus Le Crime de Sylvestre Bonnard, récompensé par le prix de l’Académie française. Styliste horspair faisant appel au beau et à l’imaginaire, France se démarque du réalisme et du naturalisme. 

Plusieurs publications suivent dont Thaïs, en 1890, roman dont le compositeur Jules Massenet tire un opéra, créé à l’Opéra de Paris en 1894. La décennie est donc féconde pour un Anatole France qui cumule les casquettes de romancier, chroniqueur, critique littéraire redouté (pour le prestigieux quotidien Le Temps depuis 1887) et bientôt académicien lorsqu’il succède au diplomate et entrepreneur Ferdinand de Lesseps, en 1896.

En 1912, il publie le roman Les dieux ont soif. Virulente critique de l’abus de pouvoir découlant d’un dogme politique appliqué à la lettre, telle une religion, l’ouvrage dépeint le basculement d’un peintre idéaliste dans la cruauté totale.

Républicain dreyfusard et admirateur de Jaurès


Maître à penser de la « jeune génération 1900 », idolâtré par Proust qui en fait le modèle de Bergotte dans la Recherche, Anatole France s’était longtemps contenté de commenter l’actualité, avec le regard satirique et distancié des sceptiques brillant dans les salons littéraires. L’affaire Dreyfus va contribuer à le faire évoluer. Au lendemain de la publication du J’accuse d’Émile Zola, en janvier 1898, il signe la pétition dite « des intellectuels » exigeant la révision du procès. Il se retrouve isolé parmi ses pairs académiciens. Il refusera d’ailleurs de siéger à l’Académie entre 1900 et 1916. Durant la même période, il participe à la fondation de la Ligue des droits de l’Homme.

L’affaire Dreyfus et le scandale de Panama (affaire de corruption liée au percement du canal de Panama) le poussent non seulement à défendre publiquement ses convictions, mais aussi à se rapprocher un temps du parti socialiste. Se liant d’amitié avec Jean Jaurès, il ne s’encarte pas à la SFIO pour autant et ne souscrit pas à l’utopie de l’Internationale ouvrière.

Anatole France adhère à la Sacem en 1919, parrainé par les auteurs Célestin Joubert et Pierre Chapelle. Deux ans plus tard, il reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre. Pour son quatre-vingtième anniversaire, il assiste à une manifestation en son honneur au palais du Trocadéro, au lendemain de la victoire du cartel des gauches aux élections législatives, le 24 mai 1924.

Anatole France s’éteint le 12 octobre de la même année à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire). Embaumé, son corps est transporté à Paris pour des funérailles nationales, les plus importantes depuis celles de Victor Hugo en 1885. La plupart de son œuvre tombe ensuite brusquement dans l’oubli. 

Crédit photo : Darchivio/Opale Photo