En mai 1981, sort le 45 tours Pour le plaisir, un appel à suivre ses envies sans filet – « Ne plus courber le dos/Même pour réussir/Préférer être bien dans sa peau que sourire/Sur commande ». Pour le texte, la parolière Vline Buggy s’est associée à Claude Carmone (nom de plume d’Arlette Tabart). Elle fait appel à un jeune compositeur, Julien Lepers, sept ans avant qu’il n’anime Questions pour un champion. C’est un triomphe et une revanche pour un chanteur de charme, au sourire large et aux yeux bleus, petit foulard finement noué autour du cou, doté d’une voix puissante et sensuelle, à qui un accident de voiture a coupé les ailes dix ans auparavant.
Né le 25 février 1945, à Strasbourg (Bas-Rhin), Herbert Léonard a su fidéliser son public. De son vrai nom Hubert Lœnhard, le chanteur est mort le 2 mars à l’hôpital de Fontainebleau (Seine-et-Marne), à l’âge de 80 ans. Fils d'un père éboueur et d'une mère au foyer, il abandonne le champ des études pour se consacrer à la musique, comme il le raconte en 2010 dans son autobiographie, Pour le plaisir et pour le reste. Il fonde en 1961 son premier groupe, les Jets, en référence au film West Side Story. Les voici aux Tremplins du Golf-Drouot, mais en 1964, Herbert Léonard doit accomplir son service militaire, dans l’armée de l’air, qui lui insuffle un autre virus – celui des avions, en particulier russes, au sujet desquels il publiera un livre en 1995 (Les avions de chasse russes et soviétiques de 1915 à 1950).
Fin 1965, de retour à Strasbourg, Herbert Léonard croise un groupe de Rémois qui cherche un guitariste en urgence. Ce sont Les Lionceaux, connus du milieu pour avoir accompagné Johnny Hallyday en tournée. Il les rejoint, jusqu’à leur dissolution en 1966. Belle prestance, voix sensuelle et talent de guitariste : Herbert Léonard est repéré par Lee Halliday, le mentor de Johnny, qui produit son premier 45 tours, Si je ne t’aimais qu’un peu, en 1967, tendance « soul ». Suit Quelque chose en mon cœur, arrangé par Jean-Claude Vannier, une adaptation de Something’s Gotten Hold of My Heart, de l’Américain Gene Pitney. Herbert Léonard se fond, sagement, dans la vague « yéyé », accompagne Antoine, comme plus tard Sylvie Vartan.
Mais tout s’arrête subitement, en 1970, en Belgique, quand sa voiture passe sous un camion. La sortie de convalescence est artistiquement compliquée, malgré une collaboration avec Gérard Manset pour un album prisé des collectionneurs Trois pas dans le silence. Jusqu’en 1977, Herbert Léonard enregistre plusieurs 45 tours, dont, en 1973, une chanson écrite par Vline Buggy, Sous un ciel de feu, pour la série télévisée Docteur Caraïbes. Il revient en parallèle à ses autres amours, collaborant à Aviation magazine, dont il devient le rédacteur en chef.
Avec Vline Buggy et Julien Lepers, ils forment un trio en or. Les tubes s’enchaînent. Après Pour le plaisir, suivent en 1982 l’album Ça donne envie d’aimer, puis Amoureux fous, en duo avec la chanteuse Julie Pietri. En 1987, avec Laissez-nous rêver, il classe quatre singles en tête du hit-parade. En moins de dix ans, il vend près de dix millions de disques.
Herbert Léonard est aussi la voix de Puissance et gloire, la chanson-titre de Châteauvallon, le feuilleton d'Antenne 2 aux 14 millions de téléspectateurs (paroles de Vline Buggy, musique de Vladimir Cosma). Dans les années 1990 et 2000, Herbert Léonard affiche une présence discrète mais constante – on l’entend dans le générique de Navarro, on le voit en Frollo dans Notre-Dame de Paris, puis dans les tournées Âge tendre. En 2016, un double CD, Mise à jour, célèbre « 50 ans de carrière ». Atteint par une maladie pulmonaire, Herbert Léonard n’a jamais renoncé à la légèreté d’être, ni à sa profession de foi : « Pour le plaisir/S'offrir ce qui n'a pas de prix ».
« Herbert avait le regard de ceux qui aiment tutoyer le ciel... Il avait le goût du « bien fait » cher à ces artisans de la chanson qui savent toucher le cœur d'une foule décidément sentimentale… Je suis heureuse et fière de l'avoir aidé à reprendre son envol. » Arlette Tabart, secrétaire générale honoraire de la Sacem
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© Carole Morgane/DALLE
