Le reggae est certes né en Jamaïque, mais il a irrigué le monde de ses rythmiques et de sa philosophie. La France aussi, où Naâman portait la joie et la parole rastafarie en parcourant les grands festivals et les salles de concerts - de communion pourrait-on dire. Fils d’une enseignante, également catéchiste, et d’un informaticien, tous deux passionnés de musique, Martin Mussard, dit Naâman, est né à Dieppe, en Normandie. Sur le compte Instagram du jeune artiste à la voix fluide et à la pensée « positive », il est désormais écrit : « Jamais né, jamais mort. A juste visité cette planète du 25 février 1990 au 7 février 2025. »
Naâman n’aimait rien davantage que la simplicité de la guitare et de la voix, dans une musique soutenue par les effets de dub, style oblige. Créateur de plus de soixante-dix œuvres, il avait adhéré à la Sacem en tant qu’auteur en septembre 2013, devenant sociétaire définitif en mars 2021, puis en tant que compositeur en août 2019.
A peine adolescent, Naâman, découvre le reggae par l’album Uprising, de Bob Marley paru en 1980. Etudiant en graphisme, il commence son aventure musicale en passant des disques de reggae roots dans des soirées privées, avant de se mettre à chanter. Il écume les bars de Caen, croise un groupe de jazz manouche, puis, en 2011, le beatmaker Fatbabs. Il prend alors le pseudonyme de Naâman, « l’aimable », personnage biblique guéri de la peste par sept bains pris dans le Jourdain. Avec Fatbabs, il monte son premier groupe, Naâman and the Deep Rockers Crew. « Jeune Blanc » venu des côtes normandes, il tranche avec un milieu majoritairement africain ou antillais.
Si Naâman chante en anglais, c’est dans l’espoir de « dépasser les frontières ».. Il fait siens les essentiels de la culture rasta - la « weed » [le cannabis], « Babylone », symbole rasta d’une société occidentale décadente et inclut dans ses textes le patois jamaïcain, maîtrisé à force d’écoute. « Le reggae est une musique du peuple ouverte à tous tant qu’il s’agit de défendre des valeurs positives et de respect », affirmait-il.
En 2012, il se produit sur la scène du festival Reggae Sun Ska Festival, grand-messe du reggae en Gironde. Très vite, il enregistre son premier album au Studio Harry J, à Kingston, en compagnie du batteur Sly Dunbar et de Sam Clayton Jr. En juin 2013, sort Deep Rockers : Back a Yard sur Soulbeats Records. Porté par le succès, Naâman publie From The Deep To The Rock en 2014 et Rays of Resistance en 2015 (il y dédie un titre au militant écologiste Rémi Fraisse). En 2017, voici Beyond, paru sur son propre label, Big Scoop Records.
Entre chaque tour de chant, Naâman voyage. En 2014, le voici, guitare en bandoulière, au Liban, au Népal, en Inde. Il y rencontre sa femme, Karishma avec qui il s’installe à Goa. Son quatrième album, Temple Road, sorti en 2022, tient d’ailleurs son nom de la rue cosmopolite où ils résident. En 2019, à la veille d’une tournée dans le Pacifique, il apprend qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau. Le voici néanmoins en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu. A son retour en France en pleine période du Covid-19, il choisit de se faire opérer.
Il ne s’écarte pas totalement de la scène : dès 2022, il joue à guichet fermé au Zénith de Paris, et parcourt la France des festivals à l’été 2024. Le 15 décembre 2024, il publie ce qui restera comme son dernier titre : Mon Amour, l’une de ses rares chansons en français, dédiée à sa compagne.
« Du soleil de Goa aux scènes brûlantes des festivals français, Naâman n’aura jamais cessé d’embrasser le monde en musique. Sans posture ni faux-semblant, il portait haut les valeurs rasta, le sourire en étendard, il a prôné la paix et la liberté jusqu’à son dernier souffle. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.
12 février 2025 - Crédit photo : Didier Rivet/Dalle