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Hommage
Mohamed Ben Abdeslam

Compositeur, multi-instrumentiste, Mohamed Ben Abdeslam a enrichi la chanson populaire marocaine tout au long d’une brillante carrière émaillée de succès traversant les générations.

On lui doit plus de deux cent cinquante compositions, souvent reprises par de grands artistes, telles la célèbre Atchana créée en 1966 par le chanteur Bahija Idriss et reprise récemment par Abdelali Anouar, ou encore Souyelt Alik El Oud écrite pour Ismail Ahmed, et Ichi Ya Bladi, avec le parolier Ali Haddani, pour Mahmoud El Idrissi.

Né en 1928 à Salé, ville côtière sise au nord de Rabat, Lamri Mohamed Ben Abdessel (dit Lamri Mohamed Ben Abdeslam), avait un talent affirmé pour repérer des voix d’exception et les sublimer grâce à des créations taillées sur mesure. Fier de son rayonnement au Maroc et de sa collaboration avec des artistes tunisiens et libanais, il était entré à la Sacem en qualité d’auteur et de compositeur le 8 mars 1958, devenant sociétaire définitif le 23 mars 1972. L’homme affable est mort à Rabat le 9 janvier 2025 à l’âge de 97 ans.

Issue d’une famille traditionaliste où chanter ou jouer d’un instrument faisait alors figure de blasphème, l’adolescent fugue et rejoint le conservatoire-orchestre Al Maytam à Casablanca. Là, s’esquisse une école riche en personnalités créatives (Salah Cherki, Amr Tantaoui, Mohammed Karam…), tous soucieux de se débarrasser de la domination de la chanson égyptienne dite « orientale », et de créer de nouvelles formes en introduisant des éléments traditionnels du maloum, de l’arabo-andalou et du jazal, la poésie chantée en arabe dialectal.

Devenu virtuose au luth, Mohamed Ben Abdeslam intègre l’ensemble Jouk Al Maytam, fréquemment invité lors des soirées royales de Mohammed V, avant que le monarque ne soit contraint à l’exil en 1953, sous le Protectorat français. Après être passé par l’Ensemble El Baroudi, Ben Abdeslam monte son propre groupe, Al Ittihad Assalawi. Après sa dissolution, il intègre en 1952 le groupe moderne de la Maison de la Radio à Rabat. Pour jongler avec la censure qui s’y exerce en pleine montée du nationalisme marocain, Mohamed Ben Abdeslam compose des instrumentaux à succès, habille des textes où il est question d’amour et de séparation. Il prend par la suite la direction de l’Orchestre de la Radio Télévision Marocaine (RTM).

L’œuvre de Mohamed Ben Abdeslam ne se limite pas pour autant aux chansons sentimentales. Il a également composé des pièces nationales et panarabes, telles que Sawt Al-Ahrar, sur un poème écrit au mitan des années 1940 par le leader nationaliste opposé à la présence française Allal El Fassi (1910-1974). On lui connait des talents pour l’opérette, une capacité étendue à nouer des amitiés multiples et fécondes avec tout ce qui est musique au Maroc. Il suit les contorsions de l’histoire, dont la Guerre du Kippour de 1973 : Al-Majd el-Arabi enregistré en Égypte par des artistes comme Hani Shaker et Mohamed Rushdi.

Après avoir été victime d’un grave accident de la route dans les années 90, ce travailleur acharné était resté en retrait de la vie publique. Le « maestro » fut un passeur hors pair, patient et impliqué – à commencer par sa propre famille : sa fille, la chanteuse Ghita Ben Abdeslam et son fils, Rachid Ben Abdeslam, qui mène à l’opéra une carrière internationale de contre-ténor, sans avoir renoncé à la musique arabo-andalouse.

« Artisan d’une œuvre magistrale, Mohamed Ben Abdeslam a su magnifier la musique marocaine par sa vision novatrice, au point d’en devenir l’un des maîtres incontestés. Avec ses mélodies aériennes, ses pièces majestueuses, ses opérettes et duos, il a incarné cet explorateur toujours fidèle à l’éclat singulier de la musique marocaine. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.

Consultez les archives Sacem de Mohamed Ben Abdeslam

Publié le 10 janvier 2025