Jean-Pierre Sabard est né Jean-Pierre Guigon le 14 septembre 1933 à Constantine (Algérie). Fils d’un médecin mélomane qui convoquait chaque dimanche des quatuors classiques à la maison, il fut bercé par le tambour bendir de sa nourrice. De cette souche hybride, il fit une marque de fabrique, qu’il sema auprès des plus grands noms de la chanson française, de Serge Gainsbourg à Françoise Hardy en passant par Hugues Aufray, Julien Clerc, Maxime Le Forestier ou Jean Gabin pour le mémorable Maintenant je sais.
Jean-Pierre Sabard est mort le 16 décembre 2024 à l'âge de 91 ans. Il avait adhéré à la Sacem en 1967, devenant sociétaire définitif en 1973. Débarqué à Paris en 1957, il poursuit ses études de musique, notamment à l’orgue, avec le compositeur Maurice Duruflé. Bientôt, il adhère à la grande vague du jazz, intégrant en 1958 l’équipe du Blue Note aux côtés du batteur Kenny Clarke, du guitariste Jimmy Gourley et du contrebassiste Jean-Marie Ingrand. Il accompagnera ainsi les jazzmen de renom de passage à Paris. Rattrapé par la guerre d’Algérie, il est mobilisé fin 1958.
En 1962, Eddie Barclay, rencontré auparavant dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés, demande au jeune organiste de monter un groupe pour favoriser l’essor des artistes de la génération Salut Les Copains. Ainsi naissent les Gamblers, avec à la batterie un certain Claude François, que bientôt ils accompagnent en tournée.
En 1964, Hugues Aufray et lui débutent une collaboration qui dure jusqu’à aujourd’hui, portant ensemble le succès de Santiano, adaptation d’un chant de cabestan anglais. Dix ans plus tard, c’est un Gainsbourg las d’avoir retourné sa veste vers le yéyé que Sabard rencontre. L’homme de Melody Nelson travaille sur un film, Je t’aime moi non plus, avec Jane Birkin et Joe Dallesandro dans les rôles titres. Il en confie la production et les arrangements à Jean-Pierre Sabard – ce qui nous donne La Ballade de Johnny Jane. Toujours avec Gainsbourg, Sabard compose en 1977 la BO de Goodbye, Emmanuelle, film de François Leterrier, et en 1980, apporte sa contribution à la chanson Dieu fumeur de havanes.
En 1982, Jean-Pierre Sabard croise le destin artistique de Maxime Le Forestier. « Jean Schultheis, avec qui je travaillais, étant parti, je lui ai cherché un remplaçant, confie Maxime Le Forestier. Notre premier rendez-vous a duré huit heures pendant lesquelles nous avons parlé un peu de chanson, et beaucoup d’ordinateurs. J’étais fasciné par les synthétiseurs, les séquenceurs, lui aussi. Il a construit l’album Les jours meilleurs en 1983 uniquement avec des synthétiseurs – à l’époque l’ordinateur le plus puissant produisait des séquences de 16 notes. Jean-Pierre était grandiose ». Ce sera le début de vingt ans de collaboration, marqués par le succès de Né quelque part, une co-composition, ou encore par Passer ma route ou Ambalaba, « une petite balade que j’avais ramenée de l’île Maurice. Jean-Pierre écoutait tout, il savait tout sur les musiques du Sud, était cultivé. Ce que j’ai appris avec lui ? En premier lieu, à ne pas compliquer l’harmonie ».
Au début des années 2000, pour Françoise Hardy et Jacques Dutronc, Jean-Pierre Sabard signe les arrangements de la reprise de la chanson de Jean Nohain et Mireille Puisque vous partez en voyage. Son jeu de piano y est à son image, drôle, élégant, virtuose, sachant ouvrir la route de talents majeurs.
« Musicien discret au talent éclatant, homme doté d’un grand sens de l’humour, claviériste, compositeur, arrangeur, Jean-Pierre Sabard était un artiste complet. Le tissu musical n'avait aucun secret pour lui, il savait capter l’essence d’un morceau, le sublimer. Au fil des décennies, il a arrangé et composé la bande originale de la vie de millions de Français. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration.
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Publié le 18 décembre 2024